Plus de 2 000 yakuza auraient jeté l'éponge et quitté leurs gangs en 2020... Selon le Livre blanc sur les crimes, publié par le ministère de la Justice en 2021, le nombre de crimes enregistrés au Japon  avait alors atteint le niveau le plus bas de l'après-guerre pour la sixième année consécutive, avec une forte baisse de la criminalité de rue. Les crimes, dits ''odieux'', y compris les meurtres, eux, avaient chuté de 9,7%. Dans l'ensemble, il y a eu 807 480 affaires pénales au Japon en 2020, une baisse de 17,03% par rapport à l'année précédente. Il s'agirait du rythme de baisse le plus rapide jamais enregistré et s'expliquerait, en partie, par la pandémie.

I love Kabukichō © Tristan 2017
I love Kabukichō © Tristan 2017

L’Agence nationale de la Police recensait 22 400 yakuza à la fin 2022, soit une baisse de 1 700 par rapport à l’année précédente. L’influence et la présence de la mafia japonaise déclinent de manière croissante, les derniers chiffres étant les plus bas jamais enregistrés.

Cette baisse serait principalement due aux actions de la police et aux lois japonaises, avec des peines de prison plus longues à la clé et à une fonte des vocations. ''Les jeunes doivent faire beaucoup de sacrifices pour mener la vie d'un gangster, mais tout cela pour des rendements de plus en plus faibles'', indique Suzuki Tomohiko, un auteur japonais spécialiste des yakuza, sur le site Slate.fr. Néanmoins, des analystes pensent que cette baisse constante découle également des règlements de compte de ces dernières années, à la faillite de certains clans et à la propagation des gangs non affiliés, comme les Bōsōzoku (暴走族), les gangs de motards, qui font leur grand retour.

Dans le livre Confessions d'un yakuza, Kumagai Masatoshi donne son point de vue :

Les chefs de clan qui se reposent sur leurs lauriers et ne s'adaptent pas disparaissent. Nombre de groupes s'éteignent, et beaucoup de yakuzas ne s'en sortent plus. C'est un peu comme si les difficultés agissaient comme un révélateur, décapant la rouille qui recouvre la surface des choses et dévoilant le métal en-dessous. Ce que cela questionne ce n'est pas l'époque, mais la façon dont les plus haut placés de chaque organisation se conduisent dans la tourmente. Ce que cela questionne, c'est notre façon de vivre.

Kumagai Masatoshi

Une brève histoire des Yakuza #6 Et aujourd'hui ?

Leurs affaires, légales ou non, ont été impactées par la crise sanitaire et les mesures mises en place pour tenter d’endiguer l’épidémie. Par exemple, le nombre de stands de vente de nourriture près des temples et sanctuaires, ou lors des Matsuri, dont les yakuza et tekiya tirent toujours une partie de leurs bénéfices, sont moins nombreux. Le taux de vieillissement des cadres de la pègre n'arrange pas les choses, les familles préférant annuler les fêtes qu'elles organisaient, afin de limiter la propagation du coronavirus dans leurs rangs...

On ne recense plus que 24 groupes à travers le Japon. Néanmoins, la police japonaise s’alarme de la recrudescence des violences entre gangs. La guerre entre le Yamaguchi-gumi et le Kobe-Yamaguchi-gumi a fait des émules, les familles prenant le parti de l'un ou de l'autre. L’assassinat en plein jour fin novembre 2020, dans une rue animée près de Kōbe, d’un haut responsable du Kobe-Yamaguchi-gumi n'est que l'un des derniers actes sanglants en date.

Bienvenue à Golden Gai @ Le Japon et moi 2023
Bienvenue à Golden Gai @ Le Japon et moi 2023

MAIS DEVEZ-VOUS NE PLUS ALLER AU JAPON ?

Bien sûr que non. Les yakuza évitent au maximum que la police mette le nez dans leurs affaires et ils ne vont pas s'en prendre à des touristes alors que ceux-ci sont essentiels pour leur porte-monnaie. Mais, cela ne vous empêche pas de prendre des précautions. Au Japon aussi, il y a des pickpockets, des voleurs à la tire... et des rabatteurs...

Comme vu au début de cet article, le Japon reste l'un des pays les plus sûrs au monde. Certes, la pègre est toujours présente. De nombreux yakuza travaillent et vivent au sein du quartier de Kabukichō et cela se ressent de temps en temps. Toutefois, de plus de 1 000 (voire 1 500 selon les sources) au début des années 2000, leur nombre dans le ''quartier rouge'' aurait fortement diminué, même s'il est impossible d'avoir un décompte précis. Le 4 juin 2020, un violent affrontement entre une centaine de personnes s'y déroule. Le Sumiyoshi-kai (住吉会), qui contrôle une bonne partie de la prostitution dans le quartier, a remarqué que des rabatteurs étrangers au clan, membres des gangs non affiliés pour qui le ''code d'honneur'' des vieilles familles ne vaut rien, démarchaient sur leur territoire. Résultat : un règlement de compte à coups de barres de fer et couteaux en pleine rue et plusieurs blessés. Le 28 octobre de la même année, la police de Tōkyō a arrêté sept hommes impliqués dans la bagarre, dont Yoshikawa Yayotaka, un membre éminent d'un gang sous l'égide de Sumiyoshi-kai

Pour garder l'exemple de Kabukichō, surtout si vous y allez de nuit, laissez votre carte bancaire et vos papiers d'identité à l'hôtel, regardez bien les prix, n'acceptez pas les propositions des rabatteurs trop insistants (les établissements réputés n'ont pas besoin de ce genre de pratique pour attirer le chaland), faites attention aux affichettes sur le droit de charges (1) devant les Izakaya (居酒屋) .

Petite aparté concernant ce type d'établissement. En raison de la barrière de la langue, la plupart des bars de Kabukichō n’acceptent pas les étrangers comme clients. Ne le prenez pas mal. C'est souvent indiqué sur la porte et si cela ne l'est pas, regardez les menus sur les murs, s'ils ne sont qu'en japonais, il n'est pas dit que l'on vous accepte. Le Japon n'est pas un pays anti-étrangers en soi, mais certains habitants ne prendront pas le risque de se trouver en mauvaise posture vis à vis d'une autre personne, ne serait-ce que par politesse.

Selon son site, Love + est un salon de beauté, mais cela ressemble fortement à un Image club vu de l'extérieur... © Le Japon et moi 2017
Selon son site, Love + est un salon de beauté, mais cela ressemble fortement à un Image club vu de l'extérieur... © Le Japon et moi 2017

 

Malheureusement, les différentes tentatives du gouvernement métropolitain pour ''nettoyer'' le quartier (pose de caméras, fermeture des établissements illégaux, sanctions contre les rabatteurs...) ont eu un effet indésirable.

La pègre japonaise n'est plus la seule maîtresse des lieux, les triades chinoises, les gangs taïwanais, voire des groupes non affiliés aux yakuza, ont investit le quartier. Selon le site Japanization, en 2019, 40% des établissements de Kabukichō arnaquaient leurs clients... Et ce n'est pas les patrouilles misent en place depuis quelques années qui changent quoi que ce soit.

Lors de notre voyage en 2017, nous avons été interpellés au moins trois fois en quelques minutes. Le dernier rabatteur, un africain de 2 mètres parlant français, fut très insistant, nous suivant sur quelques dizaines de mètres. Je peux donc comprendre que certains touristes finissent par craquer et acceptent la proposition de ce genre d'individus (souvent un prix bas pour un nombre illimité de boissons). Mais, si vous suivez un rabatteur dans un bar à hôtes ou à hôtesses et vous retrouvez à devoir payer une facture 100 fois supérieure à ce qui vous était promis, sous peine d'être frappé et dévalisé, voire de finir drogué, à poil dans la rue, vous ne pourrez vous en prendre qu'à vous.

D'autant qu'il n'est pas dit que la police intervienne après coup. J'exagère à peine. Le Ministère des Affaires étrangères français, via le site France Diplomatie prévient :

[...] La fréquence des cas conduit à signaler également que, dans les quartiers nocturnes de Tokyo (Roppongi, Kabukicho, Ikebukuro, etc.), certains bars ou cabarets à hôtesses et rabatteurs sont susceptibles de droguer leurs clients au moyen du GHB, un psychotrope dépresseur détourné de ses fins thérapeutiques.

France Diplomatie

Un soapland à Toshima @Le Japon et moi 2023
Un soapland à Toshima @Le Japon et moi 2023

LES JEUX D'ARGENT ET LA PROSTITUTION AU JAPON

En faisant mes recherches, je suis tombé sur un forum où des français discutaient de leur expérience personnelle dans un soapland (ソープランド)... No comment...

Le tourisme sexuel existe, la Thaïlande en est un exemple, et le Japon n'est pas épargné. En ce qui concerne le jeu, les japonais ont trouvé certaines parades aux interdictions... Donc, pour terminer cette série, pourquoi ne pas parler de ces deux activités où l'illégal fleure avec la loi, ce qu'on appelle généralement ''les zones grises'', et gérées en grande partie par les yakuza...

Les joies du Pachinko
Les joies du Pachinko

Selon l'article 23 du code pénal, les jeux d'argent sont illégaux au Japon, hormis les loteries et dans certains sports comme les courses de chevaux ou de vélos. Toutefois, les salles de Pachinko ne sont ni plus ni moins que des casinos qui ne disent pas leur nom, car il est tout à fait possible d'échanger ses billes contre de l'argent... Pour cela, il suffit de sortir et d'aller dans une boutique se trouvant le plus souvent à côté... Vu qu'on ne les échange pas sur place, c'est légal... Beaucoup de pachinko sont tenus par les yakuza ou la mafia coréenne, et, d'ailleurs, il semblerait que ceux-ci voient d'un assez mauvais œil l'entrée d'un étranger... En effet, il ne dépensera pas tout son argent et pourrait être tenté de filmer la salle. Mais, rassurez-vous, il existe des Pachinko ''gaijin-friendly'' à Akihabara, par exemple. En ce qui concerne le Mah-jong, même si c'est beaucoup plus contrôlé, il suffit de faire payer l'entrée. À cette liste, on ne peut qu'ajouter les casinos clandestins, tenus par la pègre, bien entendu, et où l'arnaque du client est le mot d'ordre, et les paris en ligne, très tendance, comme nous l'avons lu dans l'article précédent.

En ce qui concerne le Pachinko, j'ai écrit un article détaillé, à découvrir via ce lien.

La prostitution est interdite au Japon depuis 1957, mais les soapland, les maisons closes, des salons de massage souvent de luxe, et d'autres lieux comme les Image club (イメージクラブ) ou les Fashion-health massage (ファッションヘルス) profitent des failles de cette loi qui donne une définition de la prostitution assez floue. En effet, selon le texte, celle-ci est strictement limitée au rapport sexuel vaginal...

Je vous laisse imaginer les dérives...

Summum du bon goût, les Pink salon (ピンクサロン) proposent des fellations à bas coût, le plus généralement dans un box ouvert, à la vue de tous... Certains établissements vont jusqu'à offrir les services de filles costumées ou, comme la pénétration vaginale y est, bien entendu, interdite, certains proposent des pratiques, comme le cunnilingus ou le 69...

Pour en revenir aux soapland, en cas de contrôle, les tenanciers affirment que leurs clients et les masseuses ont des relations sexuelles en tant que ''couples amoureux'''. Je vous invite à lire l'article de Zoom Japon sur Riri, employée d’un soapland de Tōkyō.

Certains Love Hotel (ラブホテル) vont même jusqu'à proposer des Call girls sur catalogue. De même, si vous vous enfoncez dans les méandres du quartier de Kabukichō, vous trouverez des prostitués, souvent des étrangères, chinoises, philippines, voire colombiennes, amenées par les clans ou tombées dans la prostitution faute d'argent... mais à vos risques et périls.

Et pour en finir une fois pour toute avec cette vision pervertie des occidentaux, non, les Geisha (芸者) ne sont pas des prostitués, mais des dames de compagnie, ambassadrices de la culture japonaise. Elles sont souvent confondues avec les Oiran (花魁) de l'ère Edo, des courtisanes de haut rang, douées en chant et en danse... mais qui, elles, étaient bien des prostituées.

Geiko de Miyagawa-chō, l'un des hanamachi de Kyōto
Geiko de Miyagawa-chō, l'un des hanamachi de Kyōto

 

NOTES

(1) Le droit de charges, dès lors qu'il est affiché, est tout à fait légal au Japon. Vous payez pour vous asseoir, tout simplement. Mais certains patrons peu scrupuleux profitent des touristes pour augmenter ledit droit de charges, voire de le mettre en place à la tête du client. Certains tenanciers de restaurants de Yakitori de la rue Omoide Yokocho à Shinjuku sont connus pour ajouter un droit de charges à la note, voire à faire payer un encas, comme les célèbres Edamame, que vous n'avez pas commandé et qui, pourtant, finissent sur votre table. Pour finir,, n'oubliez pas que les prix affichés sont, le plus souvent, hors taxes. Vous devrez donc ajouter 10% à votre facture.

SOURCES

japoninfos.com, kotoba.fr, franceculture.fr, 13emerue.fr, wikipedia.org, geo.fr, linkalearnsthings.wordpress.com, japanese-wiki-corpus.org, persee.fr, dossiers-bibliotheque.sciencespo.fr, letemps.ch, lesoir.be, lemonde.fr, xavier-raufer.com, wattpad.com, capital.fr, news.yahoo.co.jp, samurai-world.com, anomaly.fr, lopinion.fr, asahi.com, fnac.com  (pour les résumés des livres du chapitrre 8)

LES IMAGES DE CET ARTICLE, SAUF MENTION CONTRAIRE, SONT ISSUES DE WIKIPEDIA.ORG

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