Le Daimyō (大名) de la province d’Owari (尾張国), qui correspond à la moitié ouest de l'actuelle préfecture d'Aichi, tient une place privilégié dans le nouvel opus d’Ubisoft. En effet, c’est lui qui prend l’un des deux protagonistes sous son aile. Donc, si vous ne l'avez pas encore lue, voici la biographie que j'avais écrite pour mon article sur les bushi, même si cette version est quelque peu modifiée et complète.
Il va sans dire qu'Ubisoft a modifié ladite biographie pour coller à son univers.
En 1551, déjà considéré comme excentrique et manquant de discipline par les vassaux de son père, Oda Nobuhide (織田 信秀), Nobunaga leur donne raison en se comportant de manière outrancière lors de la cérémonie funéraire de celui-ci. Son frère, Oda Nobuyuki (織田 信行), plus poli et respectueux, correspond plus à leurs attentes pour la succession à la tête de la province d'Owari, bien que ce soit Nobunaga qui soit retenu comme successeur légitime. En 1553, le seppuku par protestation (appelé Kanshi) de Hirate Masahide (平手 政秀) est un coup de massue pour Nobunaga, qui perd non seulement un ami, un mentor, mais également son vassal le plus fidèle.
Après cela, il modifie radicalement son attitude, mais reste un suzerain fragile au sein de son propre fief. Cela va changer assez rapidement. En 1556, son frère se rebelle contre son autorité, avec le soutien de Shibata Katsuie (柴田勝家) et Hayashi Hidesada (林 秀貞). Magnanime, et grâce à l'intervention de sa mère, Nobunaga les gracie. Cependant, l'année suivante, Nobuyuki recommence. Cette fois, le Daimyō prend une décision radicale et assassine son frère au château de Kiyosu (清洲城).
En 1559, Nobunaga ne rencontre plus de résistance au sein de son clan. En 1560, Imagawa Yoshimoto (今川 義元), Daimyō de Suruga, envahit Owari. Fort d’une armée de 40 000 hommes, il meurt face à Nobunaga lors de la Bataille d’Okehazama. Celui-ci ne dispose alors que de 2 000 soldats d’élite. Après cette victoire, Oda Nobunaga noue une alliance avec Matsudaira Motoyasu, connu plus tard sous le nom de Tokugawa Ieyasu. Cela lui permet de protéger son flanc est, avant d’entreprendre d’annexer la province de Mino tenue par Saitō Tatsuoki (斎藤龍興). Cela lui prendra quelques années. En 1567, Nobunaga fait le siège du château d'Inabayama, s'en empare et envoie Tatsuoki en exil.
En 1568, Nobunaga prend le contrôle de la capitale Heian-kyō (actuelle Kyōto). Il installe Ashikaga Yoshiaki (足利 義昭) comme Shōgun, mais celui-ci est exilé cinq ans plus tard pour avoir conspiré avec les ennemis de Nobunaga. Ceci met fin au shogunat Ashikaga et fait entrer le Japon dans la Période Azuchi Momoyama (安土桃山時代).
En 1571, il ravage le Enryaku-ji (延暦寺) sur le mont Hiei, afin de se débarrasser des moines guerriers Sōhei qui s’y cachaient, tuant sans distinction civils et moines guerriers. Afin de détruire définitivement les Ikkō-ikki (一向一揆), un mouvement créé par les adeptes de la branche du temple Hongan-ji (本願寺) au sein de la secte Jōdo shinshū, regroupant des paysans, moines bouddhistes, prêtres shintoïstes et nobles japonais se révoltant contre l'autorité des bushi, il n'hésite pas à faire massacrer femmes et enfants.
Ces faits et son attitude générale lui valent le surnom de Roi-Démon du Sixième Ciel ( 第六天魔王).
Lors de la Bataille de Nagashino (長篠の戦い), en 1575, Nobunaga utilise habilement les arquebuses, amenées par les portugais en 1543 et qu’il utilise régulièrement depuis 1549 (1). Ainsi, 3 000 arquebusiers et un ingénieux système de palissades, permettant à ses tireurs d’abattre la cavalerie par volées de coups de feu, lui permettent de l’emporter contre le clan Takeda (武田氏).
En 1579, Oda Nobukatsu (織田信雄), son second fils, qui contrôle la province d'Ise (伊勢国), décide d'étendre son domaine à celle d'Iga (伊賀国), connue pour être le centre stratégique des Shinobi (忍び), appelés également Ninja (忍者) depuis le XXe siècle.
Cela conduit, deux ans plus tard, Nobunaga à envahir ladite province. En effet, bien qu'il ne soit pas Shōgun, et qu'il se soit servi d'eux à plusieurs reprises, Nobunaga n’en demeure pas moins le maître incontesté du Japon et ceux-ci représentent un défi à son autorité. Il renvoie Nobukatsu à Iga, à la tête d'une armée forte de, selon les versions, 40 000 ou 60 000 guerriers. Les quelques Shinobi survivants vont se réfugier chez les Daimyō voisins, comme Tokugawa Ieyasu, pour se mettre à leur service. Ce fait est connu sous le nom de Guerre Iga de Tenshō (天正伊賀の乱).
Petite parenthèse sur les shinobi.
Oda Nobunaga est souvent perçu comme un ennemi de ceux-ci, en raison de la destruction d’Iga en 1581, toutefois il a aussi su tirer parti de ceux-ci pour ses propres objectifs militaires et politiques. Contrairement à Tokugawa Ieyasu, qui les utilisa principalement pour l'espionnage à long terme, Nobunaga les voyait davantage comme des mercenaires et saboteurs qu’il employait de manière pragmatique.
Il engageait notamment des shinobi de Kōga, la province voisine d’Iga, et d'autres régions, pour diverses missions, comme l'espionnage et l'infiltration, pratiquer des assassinats et des sabotages, voire de "simples" actions psychologiques pour effrayer et démoraliser ses adversaires.
Après avoir écrasé le clan Takeda et soumis une grande partie du pays, il ne reste donc plus à Oda Nobunaga qu’à finaliser son œuvre. Il n'en n'aura pas le temps. Trahi par Akechi Mitsuhide (明智 光秀), il meurt au faîte de sa puissance, en juin 1582, dans l'incident du Honnō-ji (本能寺の変).
Un événement qui a marqué un tournant dans l’histoire du Japon et laissé place à de nombreuses spéculations.
En effet, plusieurs questions se posent. Pourquoi Mitsuhide a-t-il trahi ? Et comment Nobunaga est-il réellement mort ?
En ce qui concerne la première, les avis divergent : Nobunaga aurait humilié Mitsuhide à plusieurs reprises, attisant sa rancune, le Général aurait craint pour sa propre survie, anticipant une possible disgrâce, ou il aurait agi dans le cadre d’un complot plus large, avec d’autres Daimyō hostiles à Nobunaga, comme les Hosokawa ou les Mōri.
Pour la seconde, Nobunaga, piégé, comprend qu’il n’a aucun espoir de s’échapper, et, selon certains récits, se bat avec l’énergie du désespoir avant de mettre fin à ses jours par Seppuku (切腹). D’autres affirment qu’il est mortellement blessé et préfère périr dans les flammes du temple en feu. Ce qui est certain, c’est que son corps n'a jamais été retrouvé, nourrissant de nombreuses légendes.
Pendant ce temps, son fils et héritier, Oda Nobutada (織田 信忠), tente de résister au château de Nijō, que les troupes d'Akechi Mitsuhide attaquent, mais subit le même sort. Selon certains récits, ses généraux Mori Nagayoshi (森 長可) et Nakagawa Kiyohide (中川 清秀) font de même, préférant la mort à la soumission.
Le clan Oda est, pour ainsi dire, décapité...
Mais, au final, le coup d’État de Mitsuhide ne lui profite guère. Toyotomi Hideyoshi réagit immédiatement. Après avoir conclu une paix rapide avec le clan Mōri, il fonce sur Kyōto et écrase Mitsuhide, en juillet, à la bataille de Yamazaki ((山崎の戦い). Celui-ci, en fuite, est finalement tué par des paysans...
Toyotomi Hideyoshi continuera le grand œuvre de son seigneur, et père spirituel, laissant un pays unifié à Ieyasu Tokugawa, qui va établir le shogunat Tokugawa et assurer la stabilité du pays pour plus de deux siècles.
Shinchō Kōki d'Ōta Gyūichi
Il s'agit d'une source essentielle sur la vie d'Oda Nobunaga. Une traduction anglaise complète, intitulée The Chronicle of Lord Nobunaga, a été réalisée par J.S.A. Elisonas et J.P. Lamers (Brill, 2011).
Oda Nobunaga, de Charles-Pierre Serain (Éditions Centon, 2013)
L'auteur y dépeint Nobunaga comme un stratège innovant, déterminé à unifier le pays pour instaurer la paix, malgré les guerres intestines qui le déchiraient.
Oda Nobunaga: Japan’s First Great Unifier, de Stephen Turnbull (Osprey Publishing, 2012)
Une biographie détaillée du daimyō et de ses conquêtes militaires.
Japonius Tyrannus: The Japanese Warlord Oda Nobunaga Reconsidered de Jeroen Pieter Lamers (Hotei Publishing, 2000)
Étudie l’image de Nobunaga comme tyran et réformateur.
Hideyoshi de Mary Elizabeth Berry (Harvard University Press, 1982)
Bien que centré sur Hideyoshi, ce livre analyse aussi Nobunaga et son influence.
Deus Destroyed: The Image of Christianity in Early Modern Japan de George Elison (Harvard University Press, 1988)
Explique les relations entre Nobunaga et les missionnaires chrétiens.
Giving Up the Gun: Japan’s Reversion to the Sword, 1543–1879 de Noël Perrin (David R. Godine, 1979)
Analyse l'utilisation des arquebuses sous Nobunaga et leur suppression sous les Tokugawa.
Bansenshūkai (萬川集海)
Compilations des connaissances des shinobi d’Iga et Kōga, bien que postérieures à l’époque de Nobunaga, elles font référence à l’histoire des shinobi au XVIe siècle.
(1) Les premières arquebuses furent introduites par des marchands portugais échoués sur l’île de Tanegashima. Très vite, les artisans japonais maîtrisèrent leur fabrication et commencèrent à les produire en grande quantité. Grâce à leur production en masse et à leur intégration dans les tactiques militaires, les arquebuses accélérèrent la fin de l’époque des combats purement basés sur le bushidō et le duel individuel. Elles jouèrent un rôle clé dans l’unification du Japon et furent largement utilisées jusqu’à l’instauration du shogunat Tokugawa, qui limita ensuite leur usage pour préserver l’ordre féodal.
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