Le château d'Odawara

Je l’avoue, je n’ai écrit qu’un article sur les différents lieux visités lors de mon séjour 2023. En voici un second sur le château d’Odawara. Je ne vais pas vous promettre d’en écrire plus souvent, mais je vais m’y employer.

Odawara-jō (小田原城) est situé au sein de la ville éponyme, dans la préfecture de Kanagawa, et se situe à, environ, deux heures de Tōkyō. Il s’agit d’un château de colline, un Hirayamashiro (平山城), dont la reconstruction date de 1960, de type Fukugoshiki (複合式). C’est-à-dire que son donjon, appelé Tenshu (天守) ou Tenshukaku (天守閣), est directement relié à une tour, une Yagura (櫓).

HISTOIRE

Odawara est un bastion du clan Doi durant l'époque de Kamakura, mais l'histoire du château commence réellement au XVe siècle, avec le clan Omori. Lorsque le premier chef du clan Go-Hōjō (1), Hōjō Sōun, qui s’appelle encore Ise Moritoki, les vainc en 1495, il en prend le contrôle et en commence les fortifications, qui se poursuivent sur cinq générations. Au plus fort de leur pouvoir, les Go-Hōjō contrôlent une grande partie de la région de Kantō, avec des châteaux de soutien aux abords des préfectures actuelles de Chiba, Ibaraki, Saitama et Kanagawa.

Le château d'Odawara fait face à trois attaques majeures : Uesugi Kenshin en 1561, Takeda Shingen en 1569 et Toyotomi Hideyoshi en 1590. Le dernier siège signe la fin de la suprématie du clan Go-Hōjō et le château est finalement remis à Tokugawa Ieyasu. La construction de Sogamae (総構え), avec plus de 9 km de tranchées et de remblais, ne suffit pas à sauver le clan, Hideyoshi forçant sa reddition, sans prendre d'assaut le château, préférant la combinaison d'un siège et d’escarmouches. Après trois mois, les Go-Hōjō se rendent, vraisemblablement par manque de provisions.

Lorsque Ieyasu en prend le contrôle, il y place son vassal, le Général Ōkubo Tadayo, en tant que seigneur. Celui-ci en réduit considérablement la taille, parce que le château représente une menace pour le pouvoir Tokugawa. Sa famille règne sur Odawara pendant toute la période Edo, à l'exception d'une brève période, entre 1619 à 1685, durant laquelle le clan Inaba rénove considérablement le château, dont le donjon (Tenshu) qui est détruit par un séisme en 1703, mais reconstruit dès 1706.

Le château est finalement démantelé en 1870, n’échappant pas à la politique du gouvernement de Meiji qui ordonne la destruction de toutes les anciennes fortifications féodales. La base en pierre du donjon est conservée et sert de fondation pour un sanctuaire shinto, le Ōkubo-jinja, dédié aux esprits des Daimyō Ōkubo, puis d’une villa, détruite lors du Grand tremblement de terre du Kantō.

En 1950, des réparations sont réalisées, et le site est aménagé pour devenir le parc du château d'Odawara qui comprend un musée d'art, un musée d'histoire locale, la bibliothèque de la ville, un parc d'attractions et un zoo. Le Tenshu est reconstruit en béton en 1960 pour célébrer le vingtième anniversaire de la proclamation du statut de ville d'Odawara. Il n'est cependant pas historiquement fidèle à l'original, car une plateforme d'observation est ajoutée.

Depuis la fin des années 1960, des plans ont été envisagés pour restaurer de façon plus précise le site central du château, tel qu'il était à la fin de la période Edo. Ces plans ont amené la reconstruction de la porte Tokiwagi (常磐木門) en 1971, de la porte Akagane (銅門) en 1997 et de la porte Umadashi (馬出門) en 2009.

Le château d'Odawara a été intégré dans la liste des cent châteaux japonais remarquables par la Japan Castle Foundation, en 2006. Je les ai listés dans cet article.

LA VISITE

On peut entrer dans l’enceinte de différentes manières, dont celle empruntant le pont Manabi (学橋). Pour ma part, j’ai choisi la porte principale Umadashi-mon, puis traversé jusqu’au Tenshu qui, avec ses trois niveaux et cinq étages, culminant, sans la base, à 27,2 mètres, est le plus haut de tout le Japon de l'Est. Une tour d’angle a également été reconstruite, elle se trouve d’ailleurs près de la porte principale.

Certes, le Tenshu est en béton, mais le travail exceptionnel réalisé pour sa conception fait vite oublier ce fait. De la porte principale, il vous faudra plusieurs minutes pour y arriver, et traverser les deux autres portes, Akagane-mon et Tokiwagi-mon.

Si vous levez les yeux pendant le trajet, vous remarquerez les magnifiques Shachi-hoko (鯱), des poissons à tête de tigre, représentant l’un des neuf fils du dragon dans la mythologie chinoise, et protégeant contre les incendies et, si vous regardez les tuiles du toit de l’enceinte principale, appelée Honmaru (本丸), et des portails, vous remarquerez le Kamon des Tokugawa. Profitez-en pour regarder la construction des murs, ornés de Sama (狭間), les meurtrières. D’ailleurs, il vous sera possible d’en comprendre la conception, avec un exemple grandeur nature.

L’enceinte du château abrite plusieurs bâtiments, dont des musées.

Vous ne pourrez manquer le musée des Ninja, Rekishi-Kenbunkan (小田原城NINJA館), situé au cœur de l’enceinte Ninomaru (二の丸). Ne l’ayant pas visité, le lieu me faisant plus penser à un parc d’attraction qu’à un musée, je ne saurais vous dire à quoi vous devez vous attendre. Je vous invite donc à regarder la vidéo de Oji San dédiée au château d’Odawara. Il est consacré au clan de shinobi Fūma, qui aurait soutenu les Hōjō dans l'ombre pendant la période Sengoku.

Selon Wikipedia : ‘’Le clan Fūma est le premier clan shinobi "忍" du Japon. Le plus ancien, le plus efficace, le plus dangereux. Le nom Fūma signifie d'ailleurs "vent démon". Son efficacité s'est très vite confrontée aux rivalités des autres clans shinobi Iga et Kōga s'alliant contre lui, comme plus tard le clan Hattori.’’. Le site de la compagnie aérienne ANA note, au sujet du musée : ''[…] ce site fait vivre une expérience unique aux visiteurs. Proposant des vidéos et des expositions immersives utilisant les dernières technologies numériques, cet espace divertit un large public, aussi bien des enfants que des visiteurs étrangers.’’.

Sachez qu’il existe également un musée des samurai, au niveau de la Tokiwagi-mon, le Tokiwa Kimon Samurai Centre (常盤木門SAMURAI館), mais, là encore, je ne l’ai pas visité, faute de temps cette fois. Vous pourrez vous y costumer en samurai ou en shinobi (500 ¥ en sus de l'entrée du musée)

Le Tenshu abrite un musée et un observatoire. Somme toute classique, la muséographie vous permettra d’en savoir plus sur l’histoire de la ville, fief des Go-Hōjō pendant près d’un siècle, et de son château.

L’observatoire vous permettra de profiter d’une magnifique vue sur la baie de Sagami et les montagnes voisines de Hakone. À noter que des expositions temporaires sont visibles régulièrement.

Personnellement, je ne regrette pas ma visite, malgré le transport. Le château est une magnifique reconstitution et son parc est agréable, avec ses jardins ponctués de pruniers, de cerisiers et d'azalées. Franchement, la saison des cerisiers vaut le détour, vu que tout le pourtour du château en est planté. Ils n’étaient pas tous fleuris quand j’y suis allé, mais c’était déjà superbe. Si vous venez en famille, une zone est dédiée aux enfants, avec, entre autres, un train miniature.

Certains hésitent à visiter ce type de reconstruction, arguant qu’il n’y a rien de naturel et que ce sont des pièges à touristes. Loin de là, les Japonais cultivent leurs traditions et leur culture. Reconstruire des monuments, comme des châteaux ou des temples, leur est nécessaire et dénote une vraie volonté de connaître leur passé et de le faire partager avec le plus grand nombre. Le choix du béton peut étonner, mais répond aux normes anti-sismiques, même si certains bâtiments peuvent être reconstruits à l’identique, avec les méthodes d’autrefois.

À titre personnel, je préfère largement cela que de laisser ‘’pourrir’’ sur place un monument, comme peut l’être le château d’Arques-la-Bataille, datant du XIe siècle, près de chez moi.

POUR ALLER PLUS LOIN

En parcourant la ville d’Odawara, vous trouverez des vestiges du château des Hōjō qui, rappelons-le, était trois fois plus vaste que l’actuel domaine, sans compter celles des Sogamae, l'anneau extérieur de défense développé par les Hōjō contre les attaques de Hideyoshi et de ses alliés.

On peut également citer la cloche du temps, située sur l’ancien emplacement de la porte Ote-mon du château (小 田原城 大手門跡), qui sonne à 6 heures et à 18 heures. L’originale, réquisitionnée en 1942 pour l’effort de guerre, a été remplacée en 1953.

Je vous conseille également la visite du sanctuaire Hōtoku Ninomiya (報徳二宮神社), situé dans l’enceinte du château, construit pour commémorer Hōtoku Ninomiya, réformateur né à Odawara, qui a déployé tous les efforts nécessaires pour revitaliser les villages du pays. Vous pouvez y prier pour une quantité de choses, comme pour un accouchement sain, conjurer la malchance, conjurer le malheur, la réussite scolaire… Outre le Honden (本殿), il abrite un petit étang sacré avec des carpes qu’il est possible de nourrir, mais uniquement avec la nourriture vendue sur place.

COMMENT S’Y RENDRE

Le château d'Odawara se trouve à seulement 10 minutes à pied de la gare d'Odawara, qui est facilement accessible depuis la gare de Tōkyō, via la Ueno-Tokyo Line (1 h 30 à 2 heures) ou via le Tokaido Shinkansen (1 heure).

INFOS PRATIQUES

Adresse : 6 Jonai, Odawara-shi, Kanagawa-ken
Horaires : de 9 heures à 17 heures (entrée jusqu'à 16 h 30) – Fermé le 2ᵉ mercredi de décembre et du 31 décembre au 1ᵉʳ janvier
Tarif adulte : 510 ¥ pour le château, 610 ¥ pour l’entrée des deux musées
Temps de visite moyen : 2 à 3 heures en comptant les musées
Site (J)
Brochure (J)

NOTES

(1) Même s'ils réutilisent le Kamon des Hōjō, légèrement modifié, le clan Go-Hōjō, parfois appelé ''Odawara-Hōjō'', n'a aucun lien avec le premier.

SOURCES

wikipedia.org, kanpai.fr, jcastle.info

PHOTO DE COUVERTURE

Le Tenshu de type Fukugoshiki

LES IMAGES DE CET ARTICLE, SAUF MENTION CONTRAIRE, SONT LA PROPRIÉTÉ DE ''LE JAPON ET MOI''