Lors de mon premier voyage en 2017, j'ai eu l'occasion d'aller visiter Ōsaka-jō, le château construit par Toyotomi Hideyoshi. Si, à l'époque, l'histoire du Japon n'avait pas la même importance pour moi qu'elle peut l'avoir aujourd'hui, cette imposant bâtisse ne m'a pas laissé indifférent.
Ōsaka-jō (大阪城) voit le jour en 1583, à l’initiative de Toyotomi Hideyoshi (豊臣秀吉), peu après la mort de Oda Nobunaga (織田信長). Il s’élève sur le site de l’ancien temple Ishiyama Hongan-ji (石山本願寺), détruit après un long siège mené par Nobunaga.
Hideyoshi veut en faire le centre de son pouvoir et un symbole de son autorité nouvellement acquise. Il le conçoit sur le modèle d'Azuchi-jō (安土城), le château du clan Oda, mais encore plus imposant : un donjon de cinq étages (sept en comptant les niveaux intérieurs), des remparts massifs, des douves profondes et des plaques d’or pour affirmer sa puissance.
D’après Stephen Turnbull, il s’agissait à l’époque de l’une des plus grandes structures militaires d’Asie (The Samurai Castle). Pierre-François Souyri, dans "Histoire du Japon médiéval", souligne à quel point ce château incarne la transition entre les guerres civiles de l’époque Sengoku et l’émergence d’un pouvoir centralisé.
Après la mort de Hideyoshi en 1598, son fils Toyotomi Hideyori (豊臣秀頼) hérite du château. Mais dès 1614, Tokugawa Ieyasu (徳川家康) lance la campagne d’hiver du siège d’Osaka (大坂の陣), considérant le jeune héritier comme une menace à son autorité. Malgré une défense acharnée, le château est affaibli et ses douves extérieures comblées.
L’année suivante, lors de la campagne d’été, les Tokugawa donnent l’assaut final. Le château est incendié, Hideyori et sa mère, Yodogimi (淀君), se suicident, mettant fin au clan Toyotomi. Le château est ensuite reconstruit par le shogunat à partir de 1620, mais il est à nouveau frappé par la foudre en 1665 : la tour principale est détruite et ne sera jamais reconstruite sous l’ère Tokugawa.
Le château d’Ōsaka tel que nous le connaissons aujourd’hui est le fruit d’une reconstruction moderne réalisée au XXᵉ siècle.
En 1928, un projet de reconstruction de la tour principale est lancé par la ville d'Ōsaka pour marquer la modernité de la région, mais aussi comme symbole du passé historique du pays.
En 1931, le donjon moderne en béton armé est achevé, bien que la structure soit largement inspirée du donjon d’origine de la période Sengoku, avec des ajouts décoratifs modernes. Ce projet est soutenu par la ville, qui voit dans la reconstruction une manière de promouvoir la ville comme moderne et dynamique, tout en rendant hommage à son passé militaire. Cette reconstruction n’est cependant pas sans controverse, notamment pour les puristes qui estiment que le château moderne n’a pas le caractère et l’authenticité de celui d’origine.
En 1997, une nouvelle rénovation du donjon est entreprise pour répondre aux normes antisismiques et moderniser l’accès au musée intérieur. C’est ainsi que les éléments de la structure en béton armé sont conservés, mais des modifications ont été apportées pour améliorer la sécurité et l’accueil des visiteurs.
Le parc autour du château, Ōsaka-jō kōen (大阪城公園), qui occupe aujourd’hui environ 60 hectares, a également été aménagé pour faire écho à cette fusion entre histoire et modernité. En effet, la ville a cherché à préserver une certaine esthétique tout en répondant aux besoins d'un parc urbain moderne. Les promesses de la reconstruction n’ont pas été que de préserver la mémoire du passé, mais aussi d’intégrer le château dans la dynamique urbaine du Japon moderne.
Malgré la majesté du lieu, beaucoup repartent déçus. En effet, si on s'arrête au Tenshu en béton, à l'ascenseur apparent... il y aurait de quoi. Mais ne vous fiez pas aux apparences. Le plan de base du château est presque intact. Il y a plusieurs portes et yagura d'origine et les murs de pierre sont tout simplement incroyables. Même s'il est vrai que l’intérieur est moderne : c’est un musée avec ascenseur, vitrines, vidéos et objets historiques, totalement différent d’un intérieur de château féodal japonais.
Ōsaka-jō est un Hirajiro (平城), un château de plaine. Il mesure 55 mètres, en comptant la base, et présente 5 niveaux pour 8 étages (dans sa version actuelle). S'il est classé premier dans la liste des donjons les plus haut, devant Nagoya-jō (名古屋城), environ 48 mètres, et Himeji-jō (姫路城), environ 46,4 mètres, c'est, en grande partie, dû à sa base très haute. Le château est toutefois célèbre pour ses blocs cyclopéens, en particulier la Tako-ishi (蛸石), qui fait, environ, 5,5 mètres de haut pour 14,5 de long, et 130 tonnes estimées... C’est la plus grosse pierre utilisée dans un château japonais encore visible aujourd’hui.
Comme dit plus haut, ce que l’on voit aujourd’hui est une reconstruction en béton armé, érigée en 1931 à l’initiative de la municipalité. Il ne suit ni les plans Toyotomi, ni ceux des Tokugawa, mais s’en inspire librement, en particulier dans son apparence extérieure. Il a été conçu pour plaire visuellement et symboliquement, avec des éléments décoratifs comme les tuiles dorées, les shachihoko (鯱) et des peintures évoquant la grandeur de l’époque Hideyoshi.
Je le précise tout de suite : je n’ai pas visité l’intérieur du château. En 2017, la file d’attente était interminable, et j’ai préféré profiter des extérieurs et du parc. Le donjon actuel abrite donc un musée consacré à l’histoire du château et à Toyotomi Hideyoshi. Même sans y entrer, la silhouette du bâtiment, sa toiture verte, ses dorures brillantes et ses fondations massives laissent une forte impression. Le parc autour du château est vaste et paisible. Le contraste entre la modernité de la ville et le calme de cette oasis historique est, comme souvent au Japon, saisissant.
Je compte bien y retourner lors de mon prochain voyage au Japon, prévu pour 2026 ou 2027. Je ne sais pas si je prendrai le temps de monter dans le donjon, de visiter le musée et de profiter de la vue panoramique sur la ville depuis la terrasse d’observation, mais je ferai certainement plus attention aux structures encore debout.
Car, sachez que, par exemple, les murs de pierre, appelés ishigaki (石垣) datent, pour la plupart, de la reconstruction Tokugawa, et que certaines portes et entrepôts sont également d’origine. Citons la Ōte-mon (大手門), l'imposante porte principale construite vers 1628, la Tamon-yagura (多聞櫓) ou la Sengan-yagura (千貫櫓), désignée Bien culturel important.
Ce sera l’occasion de redécouvrir ce lieu sous un autre angle, plus intime, plus approfondi.
Ōsaka est à, environ, 30 minutes de Kyōto, en Tokaido-Sanyo Line Special Rapid.
Puis, il vous faudra prendre le train local, avec des changements, jusqu'à la station Osakajō-kōen (大阪城公園) sur la ligne JR Loop Line, puis environ 5 minutes à pied jusqu'au parc.
Adresse : Osaka Castle Park, 1-1 Osakajo, Chūō Ward, Osaka, 540-0002, Japon
Horaires : De 9 heures à 18 heures (entrée jusqu'à 17 h 30)
Tarif adulte : 1 200¥ pour le donjon
Temps de visite moyen : 3 heures (selon Jcastle)
Site (JP)
Ōsaka-jō © Le Japon et moi - 2017
LES IMAGES DE CET ARTICLE, SAUF MENTION CONTRAIRE, SONT LA PROPRIÉTÉ DE ''LE JAPON ET MOI'' / TRISTAN