L'obligation d'opération pour officialiser un changement de genre jugée inconstitutionnelle
13 oct. 2023Le tribunal des affaires familiales de Shizuoka (Chūbu) a jugé inconstitutionnelle une loi obligeant les personnes transgenres, désirant modifier leur genre dans les registres d'état civil, à subir une opération chirurgicale.
En effet, le tribunal a estimé que Suzuki Gen, un homme transgenre de 48 ans, pouvait être inscrit en tant qu'homme sur son registre familial sans subir de chirurgie, une obligation au Japon prévue par une loi de 2003 (source).
Celle-ci oblige les personnes transgenres à saisir le tribunal des affaires familiales après avoir subi une chirurgie de réassignation sexuelle pour pouvoir changer leur mention de sexe sur les documents juridiques. Elle doivent également prouver l'absence de capacité de reproduction, d'où une stérilisation dans la plupart des cas.
Il faut savoir que le Japon est le seul pays du G7 à ne pas reconnaître les unions de même sexe (1), sa Constitution stipulant que « le mariage ne peut avoir lieu qu'avec le consentement mutuel des deux sexes » et à interdire l’adoption pour les couples du même sexe. Toutefois, aucune loi interdit le comportement homosexuel, heureusement me direz-vous, et des décisions locales, comme celle de la préfecture de Tōkyō en 2022, font bouger les lignes. Dans des communes, des certificats permettent ainsi aux partenaires LGBTQ+ d'être traités comme des couples mariés pour certains services publics liés au logement, à la santé ou à la protection sociale (source). Des tribunaux des districts de Nagoya et de Sapporo ont estimé, respectivement en 2021 et en 2023, qu’interdire l’union entre personnes du même sexe était inconstitutionnel.
Même si le gouvernement conservateur avance à petits pas sur le sujet, le 16 juin 2023, l'archipel a adopté un projet de loi visant à promouvoir l'acceptation des communautés LGBT. Toutefois, dans un pays où les traditions pèsent lourd (2), les militants dénoncent son édulcoration, voire son inapplication... Pour preuve, l'article 12, ajouté à la dernière minute, stipule que la loi ne sera mise en place que si les citoyens se sentent « à l'aise » avec celle-ci... Ses détracteurs indiquent même que cette loi n'offre aucune garantie en matière de droits de l'homme. Suzuki Ken, professeur à la faculté de droit de l’Université de Meiji et parrain de l’Association pour un système de partenariat pour les LGBT dans les municipalités, alerte : « Le texte suggère que certaines discriminations sont justifiables. Ce n’est pas une loi qui interdit toutes les formes de discrimination, elle n’a donc qu’une signification limitée » (source).
En juillet 2023, la Cour suprême a statué contre la discrimination des salariés LGBT au travail, en rendant une décision, considérée comme historique, en faveur d'une employée transgenre. Son employeur, un ministère, avait ni plus ni moins interdit à celle-ci d’utiliser les toilettes pour femmes. Les juges ont estimé que cette interdiction « manquait cruellement de validité ».
Même si ces jugements sont encourageants, il y a encore beaucoup de chemin à faire.
NOTES
(1) Selon un sondage du quotidien Yomiuri shinbun (読売新聞) réalisé en 2020, 61 % des Japonais y sont pourtant favorables.
(2) Le site Pvtiste rappelle : « [...] le modèle de la famille traditionnelle hétérosexuelle est très ancré au Japon. L’absence de cours d’éducation sexuelle renforce cette tendance. De plus, au Japon, la sexualité est considérée comme étant quelque chose de tabou et de privé. Déjà qu’on ne parle que très peu de son ou sa partenaire et qu’on ne montre quasi pas de signes d’affection dans la rue dans les relations hétérosexuelles, les relations homosexuelles dans la société japonaises sont presque invisibles. ».
SOURCES POUR ÉCRIRE CET ARTICLE
wikipedia.org, varmatin.com, nicematin.com, humanite.fr, pvtistes.net, lefigaro.fr, vanityfair.fr
PHOTO DE COUVERTURE
Marche des fiertés à Tōkyō en mai 2016
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