Après Fushimi Inari-Taisha (n’hésitez pas à lire l’article concernant ce magnifique sanctuaire) à Kyōto, pourquoi ne pas aller à Tōkyō visiter l'un des plus beaux temples bouddhistes de la capitale ? Si je vous dis Asakusa et Kannon, vous saurez peut-être de quel temple il s'agit... Je parle du Sensō-ji, bien sûr (bon, c’est aussi dans le titre, hein...).

La Nakamise-dōri avec vue sur le Kaminari-mon

La Nakamise-dōri avec vue sur le Kaminari-mon

Le Sensō-ji (金龍山浅草寺) est donc situé dans le quartier d'Asakusa (arrondissement de Taitō). C'est le plus vieux temple de la capitale nippone, bien qu'il ait été reconstruit en grande partie. Il est dédié à Kannon, le Bodhisattva (1) associé à la compassion.

Selon la légende, deux frères, Hamanari et Takenari Hinokuma, alors qu'ils pêchaient sur la rivière Sumida, trouvèrent dans leurs filets une petite statue de Kannon en or. Il la jetèrent. Ils eurent beau faire, celle-ci revenait vers eux chaque fois qu’ils tentaient de s’en débarrasser. Le seigneur du village, Haji no Nakatomo, fut mis au courant de cette découverte. Il prêta serment à la déesse et transforma sa maison en temple. Les frères se convertirent et les trois hommes vouèrent ainsi leur vie au bouddhisme. La maison du seigneur devint le temple Sensō-ji en 645. Cette année-là, un prêtre bouddhiste nommé Shokai vint et construisit une salle pour Kannon. Suite à une révélation qu'il reçu en rêve, il décida de cacher la statue à la vue. Depuis ce temps, celle-ci n'a jamais été dévoilée. Anciennement associé à la secte Tendai, il est devenu indépendant après la Seconde Guerre mondiale.

La vue depuis le Hon-dō

La vue depuis le Hon-dō

LE SAVIEZ-VOUS ?
 

Le lieu abrite également un sanctuaire shinto. En 1649, pour rendre hommage aux trois hommes qui furent élevés au rang des divinités, Asakusa-jinja (浅草神社), aussi nommé Sanja-sama (三社様), fut érigé sur ordre de Tokugawa Iemitsu, 3e shōgun de la famille Tokugawa. Un matsuri se tient le troisième week-end de mai en leur honneur, Sanja matsuri. Le temple et le sanctuaire sont souvent associés, voire confondus, mais il y a bien deux entités distinctes sur un même lieu. Situé à l’est du bâtiment principal, on le repère à son torii de pierre. Sensō-ji fut en grande partie détruit pendant les bombardements de Tōkyō. Par contre, le sanctuaire y a échappé et a été classé ''Bien culturel important'' en 1951.

Le temple fut reconstruit en 1958 avec des matériaux plus solides. Par exemple, le toit du bâtiment principal est en titane... D'importants travaux de rénovation eurent lieu également en 2016 et 2017, ce qui fait que celui-ci offre un spectacle magnifique. D'ailleurs, je l'ai déjà visité deux fois, de jour et à la nuit tombée, et je dois bien avouer que c'est le moment où, personnellement, je le trouve le plus beau. Sans compter qu'il n'y a presque plus personne, ce qui est très agréable, soit dit en passant.

Statue de Misshaku Kongō, l'un des Niō, les divinités gardiennes japonaises des temples bouddhistes
Statue de Misshaku Kongō, l'un des Niō, les divinités gardiennes japonaises des temples bouddhistes

 

Sensō-ji abrite de nombreux trésors, dont la fameuse statue de Kannon, mais aussi un jardin japonais et plusieurs bâtiments remarquables.

Citons :

Le chōchin du Kaminari-mon
Le chōchin du Kaminari-mon

Le Kaminari-mon (雷門), la fameuse ''Porte du Tonnerre'', marque l'entrée du temple. Cette porte a été détruite dans un incendie massif qui s'était déclaré dans la ville voisine de Tawaramachi en décembre 1865. La porte actuelle a été reconstruite grâce à un don de Konosuke Matsushita, fondateur de Matsushita Electric (devenu Panasonic Corporation). Vous remarquerez de suite son chōchin (lanterne de papier). Pour information, celui-ci est changé tous les dix ans et est offert par la firme Panasonic Corporation depuis la reconstruction. Fruit du travail d'un artisan, il est vraiment impressionnant de par ses dimensions  (3,9 mètres de haut pour un diamètre de 3,3 mètres pour 700 kg).

Un peu plus loin le Hōzō-mon (宝蔵門), la ''Porte de la salle aux trésors'', abrite les sutras vénérés du Sensō-ji, dont une copie du Sūtra du Lotus désigné ''Trésor national'' et l'Issai-kyō, collection complète d'écritures bouddhistes désignée ''Bien culturel important''. La porte actuelle a été reconstruite en 1964 grâce à un don de Yonetaro Otani, fondateur d'Otani Heavy Industries.

Le Hōzō-mon abrite les sutras vénérés du Sensō-ji

Le Hōzō-mon abrite les sutras vénérés du Sensō-ji

Entre les deux se trouve la Nakamise-dōri. Composée d'environ 90 boutiques, c'est l'une des plus vieilles rues commerçantes du Japon. Vous y trouverez des mets traditionnels, des cadeaux originaux...

Toutefois, attention, beaucoup de ces commerçants proposent des prix prohibitifs, voire même des copies ou des arnaques, je pense notamment aux faux kimonos vendus à prix d'or (2). Restez vigilant si vous souhaitez acheter un souvenir. À l'origine, ces boutiques appartenaient au Gouvernement métropolitain de Tōkyō, mais ont été vendues au temple en juillet 2017. Le loyer de chacune d'elle augmenta de 1600%, passant de 23.000¥ à 370.000¥ mensuels en janvier 2018... Si vous y allez après 19 heures, les boutiques seront fermées, mais vous pourrez profiter de leurs devantures peintes. Pour info, un peu plus loin se trouve la Shin Nakamise-dōri, une allée commerçante abritée par des arcades, où vous trouverez également pléthore de souvenirs.

La pagode à cinq étages est juste magnifique. Construite en bois en 942, elle a été détruite plusieurs fois (en 1041 par un tremblement de terre, puis lors du grand raid aérien de Tokyo, le 10 mars 1945).

Celle que vous pouvez admirer est une reconstruction de 1973. Sachez que ce n'est pas son emplacement d'origine, celui-ci est à l'est, une stèle gravée marque d’ailleurs l’emplacement originel de l’édifice.

Pour l'anecdote, les sources anciennes mentionnent l’existence de deux pagodes dès le 10ème siècle, une de cinq et une de trois étages. Elle renferme des cendres de Bouddha (Busshari), offertes en cadeau par le temple royal de Sri Lanka.

L'escalier du Hon-dō

L'escalier du Hon-dō

Terminons avec le Hon-dō (本堂), le bâtiment principal du temple, vous ne pourrez le manquer. Devant se trouve un brûleur d'encens, Jokoro (じょうころ), dont la fumée est réputée pour avoir des vertus thérapeutiques.

Enfin, si vous allez derrière la pagode, vous verrez quatre bâtiments : Yōgōdō (影向堂), Yakushidō (薬師堂), Awashimadō (淡島堂) et Zenizukajizōdō (銭塚地蔵堂). À gauche de la Nakamise-dōri et devant la pagode, se trouvent les 2 derniers bâtiments : Denbōin (伝法院) et Chingodō (鎮護堂). N'hésitez pas à prendre le temps de faire le tour du propriétaire.

Deux petits conseils : n'hésitez pas à rester jusqu'au soir, au moment où les lumières du temples sont allumées. c'est juste magnifique, et à entrer dans le Asakusa Culture Tourist Information Center qui se trouve devant le Kaminari-mon, vous pourrez y prendre un café et photographier le temple vu du haut, comme sur cette photo prise en 2023.

Les couleurs ressortent la nuit... Magique !!!

Les couleurs ressortent la nuit... Magique !!!

Voici un plan très utile pour votre prochaine visite. Il vient du site officiel du temple, mais ne concerne que celui-ci et non le sanctuaire. Celui-ci se trouver à droite, en léger retrait, du Hon-dō.

1 Hon-dō. on y trouve la salle dite ''de la Déesse'' (Kannon-dō)
2 Yōgōdō. Huit bouddhas sont enchâssés dans cette salle, chacun protégeant un ou deux animaux du zodiaque chinois.
3 Awashima-dō. Ce temple fut construit pendant la période Genroku (1688-1704) pour consacrer Awashima Myojin, la divinité protectrice des femmes.
4 Pagode à cinq étages.
5 Denboin. Il comprend le Kyakuden (un bâtiment utilisé pour accueillir les invités), une entrée, de grands et petits Shoin (bibliothèque et salles d'étude), et l'Oima (salon) pour le prêtre en chef du temple Senso-ji. Le jardin est, malheureusement, interdit au public.
6 Niten-mon. Cette porte fut construite en 1618 pour protéger le sanctuaire Tōshō-gū dans l'enceinte du temple. La porte actuelle a été construite en 1649 sous le nom de Porte Est de Sensō-ji. Elle est classée ''Bien culturel important''.
7 Hozo-mon
8 Kaminari-mon
9 Nakamise-dōri
10 Benten-dō. Ce temple abrite une statue de Benzaiten (ou Benten), déesse de la richesse, du bonheur, de la sagesse et la musique.

Le Sensō-ji, le temple de Kannon à Tōkyō
La vue depuis le Asakusa Culture Tourist Information Center

La vue depuis le Asakusa Culture Tourist Information Center

Profitez-en pour acheter une O-mikuji (御御籤) pour 100 ¥. Présentes tout autant dans les temples que dans les sanctuaires, ce sont des divinations écrites sur des bandes de papier que l’on tire au sort. Si la prédiction est mauvaise, il est d’usage de la plier et de l’accrocher pour la conjurer.

Le Sensō-ji, le temple de Kannon à Tōkyō

Pour finir, en écrivant cet article, je suis tombé sur une courte analyse ''Réflexion sur l’authenticité au Japon'' du site Horizons du Japon. La question est posée. Peut-on encore parler d'authenticité quand on parle de reconstruction en béton ? Prenons exemple sur le Sensō-ji, celui-ci est au trois-quart reconstruit avec des matériaux récents. Cela gêne-t-il les visiteurs ? Personnellement, je n'y vois aucun inconvénient, mais chacun voit midi à sa porte. Comme le souligne l'auteur, peut-on se priver d’une visite sous prétexte que tel ou tel bâtiment n’est pas authentique ? Dans ce cas, on ne visiterait pas grand chose. Certes les japonais ont beaucoup reconstruit avec des matériaux durables, comme, par exemple, le Tenshu du château d'Ōsaka. Mais ils utilisent aussi des techniques traditionnelles, comme pour la reconstruction de la grande porte Suzakumon et du hall principal Daigokuden de Heijo-jō, l’ancien palais impérial de Nara, ou la restauration du Rinnō-ji à Nikkō et du Meiji-Jingu à Tōkyō. En France aussi, nous restaurons nos édifices. En ce qui concerne la reconstruction de la flèche de Notre Dame de Paris, n'y a-t-il pas eu des propositions de flèche en verre, voire en lumière ? (voir les propositions faites suite au concours international, né à la demande du Premier Ministre). Certes, ce ne sont que des propositions, mais tout reste possible.

On ne le dirait pas, mais le Hon-dō est, à l'instar de la plus grande partie du Sensō-ji, en béton

On ne le dirait pas, mais le Hon-dō est, à l'instar de la plus grande partie du Sensō-ji, en béton

HORAIRES ET TARIFS ADULTES*

  • Tous les jours de 6 heures à 17 heures (ouverture à 6h30 entre octobre et mars)
  • Gratuit

* SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS NON CONNUES PAR L'AUTEUR

NOTES

(1) Bodhisattva est (pour simplifier) un terme sanskrit désignant des êtres (sattva), humains ou divins, qui ont atteint l'état d'éveil (bodhi). Toutefois, ils ont choisi de rester sur Terre pour veiller sur les êtres humains. Kannon est le nom japonais du Bodhisattva Guanyin.
(2) Un kimono est traditionnellement en soie. Il peut être confondu avec le yukata, un léger kimono d'été souvent en coton. Le prix n'est pas le même, d'autant qu'un kimono est fabriqué à la main. Certains commerçants de la rue n'hésitent pas à prendre les touristes pour des pigeons en leur vendant des yukata trop chers, voire des kimono en polyester...

SOURCES

wikipedia.org, vivrelejapon.com, kanpai.fr, voyages.michelin.fr, gaijinjapan.org, asianwanderlust.com

LES IMAGES DE CET ARTICLE, SAUF MENTION CONTRAIRE, SONT LA PROPRIÉTÉ DE ''LE JAPON ET MOI''

Retour à l'accueil