Le Shintō, la voie du divin japonais
25 août 2023J'aime l'atmosphère des sanctuaires shintoïstes, et, si vous suivez la page FB ou le compte Instagram lié, vous savez que je ne peux m'empêcher de prendre des Torii en photo. Donc, pourquoi ne pas parler du Shintō ? Je connais un peu le thème, mais il va sans dire que, comme d'habitude avec mes articles, j'ai compulsé plusieurs sources, essayant d'avoir les informations les plus viables possible. Malheureusement, je ne vais que survoler le sujet ici, car parler du Shintō est complexe...
Dans l’avant-propos de son livre Le Shinto, la source de l'esprit japonais, Emiko Kieffer note :
Je regardais par hasard une petite vidéo d’un écrivain étranger qui semblait bien connaître le Japon. Pourtant, quand il a parlé du Shintō, il ne pouvait l’expliquer que par ‘’bizarre’’. Cela m’a choquée. C’est la raison pour laquelle j’ai écrit ce livre.
Le Shintō, c’est la religion authentique du Japon. On dit que le Japon est le pays d’une civilisation, d’une nation, d’une langue et d’une religion. S’il y avait plusieurs nations shintoïstes comme les pays chrétiens ou islamiques, on pourrait peut-être mieux le comprendre, mais malheureusement il n’y a que le Japon. […] Comment les non japonais peuvent-ils le comprendre, alors qu’il est si difficile à expliquer même pour les japonais eux-mêmes ?
Personnellement, je pense que ces quelques phrases en disent long sur notre compréhension
D’ailleurs, avant de commencer, sachez que le terme Shûkyô (宗教), traduction officielle de ‘’religion’’, n’est apparu au Japon qu’à l’ère Meiji (1868-1912). Copié alors sur le Christianisme, Shûkyô désigne de ce fait la croyance et la foi personnelle. Depuis, de nouvelles religions sont apparues sur l’archipel, elles sont appelées Shinshūkyō (新宗教) ou Shinkō shūkyō (新興宗教). Parmi elles, on peut citer l’Association de la lumière divine Sōgō Honbu ou Sōka Gakkai qui regroupe à elle seule 20 millions de membres dans le monde (chiffres 2012). Si cela vous intéresse, je vous conseille la vidéo de Tev, youtubeur installé au Japon, Les sectes au Japon.
UN PEU D'HISTOIRE...
Le Shintō (神道), ou shintoïsme en français, est reconnu comme la plus ancienne croyance japonaise, bien avant l'arrivée du Bouddhisme (1). On recense environ 80 millions de shintoïstes dans le pays (chiffres de 2016) (2), mais, au quotidien, beaucoup de japonais pratiquent les deux religions. D'ailleurs, certains considèrent le Shintō comme un ensemble de croyances et non une religion à part entière. N'étant pas théologien, je ne vais pas m'aventurer sur ce terrain, mais, comme celui-ci n'a ni fondateur, ni dogme, ni code moral, il est vraisemblable de penser que cette interprétation soit vraie. ''Il s'agit d'une religion protohistorique, sans texte fondateur puisque l'écriture n'existait pas'', explique le Professeur Pierre Dunoyer, prêtre des Missions étrangères de Paris (MEP), au journal La Croix en 2014. De fait, son origine se perd dans la nuit des temps et seul des textes, écrits bien plus tard, comme le Kojiki (古事記), écrit au VIIIe siècle par le chroniqueur Ō no Yasumaro, sur l'ordre de l'Impératrice Genmei et le Nihon Shoki (日本書紀), achevé en 720, regroupent les mythes fondateurs du Shintō. Même si ces deux textes diffèrent quelque peu, un fait y est commun : la famille impériale descend directement du Kami du soleil, Amaterasu (天照), par l'Empereur Jinmu qui, toujours selon ces ouvrages, fonde l'Empire du Japon en 660 av. J.-C.
Petite parenthèse, mais qui démontre l’importance des symboles dans la religion. Selon les textes anciens, Amaterasu offre trois objets sacrés à son petit-fils Ninigi-no-Mikoto, père de Jinmu : une épée (conservée au sanctuaire Atsuta à Nagoya), un bouclier-miroir de bronze (situé au Grand sanctuaire d'Ise), et un magatama (sis au palais impérial). Depuis 690, la présentation de ces artefacts, censément dotés de pouvoirs magiques, à l'Empereur constitue l'événement principal de l'intronisation. Cette dernière n'est pas publique et les objets eux-mêmes sont conservés dans un coffret porté par les prêtres... Cela va sans dire que beaucoup se posent la question : le coffre est-il vide ? Qu’à cela ne tienne, la tradition est honorée. D'ailleurs, un adage japonais ne dit-il pas ''シンボルがオブジェクトを必要としません'', soit ''Un symbole n'a pas besoin de matérialité'' ?...
SHINTŌ ET BOUDDHISME
Très tôt après son apparition au Japon, le Bouddhisme se trouve en position dominante dans l’archipel, et tend à absorber les anciennes croyances. En conséquence, les temples bouddhistes (寺) sont attachés aux sanctuaires Shintō (神社), et consacrent à la fois Kami, Bouddha et/ou Bodhisattva, et vice-versa. On nommera plus tard ce syncrétisme Shintō-bouddhiste, Shinbutsu shūgō (神仏習合). Donc, pendant très longtemps, les deux religions ont évolué ensemble et beaucoup de lieux de culte conservent ce mélange de symboles qui peut porter à confusion. Le premier exemple qui me vient à l'esprit est le temple Takaosan Yakuōin Yūki-ji se trouvant sur le Mont Takao. Il s'agit bien d'un temple bouddhiste, mais dédié à l'adoration des Tengu, des Yōkai au long nez, créatures du folklore japonais parfois considérés comme des Kami. Au contraire, de grands sanctuaires, comme celui d'Ise ou le Meiji-jingu à Tōkyō, sont purement Shintō, bien, qu’avant l’ère Meiji et le Shinbutsu bunri (神仏分離), le complexe d’Ise comprenait également des temples bouddhistes...
Il est intéressant de noter que selon l'historien japonais Kuroda Toshio, dans son article ''Le Shintō dans l'histoire de la religion japonaise'' (1981), celui-ci nait, comme religion indépendante, seulement à l'époque moderne, après avoir émergé au Moyen-Âge comme une ramification du Bouddhisme, et que le Shintō, en tant que religion distincte, est une invention des idéologues nationalistes japonais de l'ère Meiji. D'ailleurs, jusqu'à la Restauration, le Bouddhisme était la foi des Empereurs, malgré leurs liens avec le Shintō.
UNE RELIGION D'ÉTAT
En 1868, avec la refonte de la Constitution, le Shintō devient la religion d'État de l'Empire du Japon, le Kokka Shintō (国家神道). Le gouvernement impose la séparation entre Shintō et Bouddhisme, et les moines ne peuvent plus célébrer dans les sanctuaires (la lecture des textes bouddhistes y est également interdite). Dès 1872, le Jingi-kan (神祇官) est mis en place afin de promouvoir les rites et le culte officiel, tous les prêtres deviennent des employés de l'État. Par ailleurs, chaque citoyen doit s'enregistrer comme membre de son sanctuaire local. L'Empereur, lui, devient un objet de culte, chef incontesté d'essence divine...
Ce shintoïsme d’État, supposé incarner l’identité culturelle japonaise et empreint de nationalisme, avec la réhabilitation des coutumes nationales antérieures aux croyances d'origine étrangère, disparait avec la défaite de 1945.
En effet, les alliés publient, le 15 décembre 1945, le Shintō Shirei (神道指令), une directive visant à supprimer ce Shintō d'État. À cela s'ajoute l'interdiction de l'abus de la religion pour imposer des idéologies militaristes et ultranationalistes. La nouvelle Constitution du Japon (qui entre en vigueur le 3 mai 1947) interdit à l'État de privilégier des organisations religieuses et stipule que nul ne peut être tenu de participer à des activités religieuses (d'ailleurs, l'article 20 garantit la liberté de culte). Même si, dans les faits, certains japonais continuent d'inscrire leur nouveau-né dans le sanctuaire du quartier.
ET L'EMPEREUR ?
Hormis sur de courtes périodes, l'Empereur du Japon perd toutes ses prérogatives, sauf celles liées à la religion, au profit du Shōgun et du Bakufu, entre 1192 et 1868, date à laquelle l'Empereur Meiji accède au pouvoir. Depuis 1947, l'Empereur n'a, de nouveau, qu'un rôle symbolique et détient sa fonction du peuple japonais. Néanmoins il reste le descendant d'Amaterasu, et doit accomplir certains rites (plus de vingt cérémonies religieuses par an dans les sanctuaires au sein du palais impérial ou à Ise), tous à titre privé.
Pourtant, en 2019, c'est en habit de grand prêtre Shintō que l’Empereur Akihito, âgé de 86 ans, a annoncé son abdication à la déesse Amaterasu. Un fait que certains qualifient d'historique, bien que l’ancienne tradition des Empereurs retirés fût courante durant l'époque Heian, et que la démission de l'Empereur Kōkaku, dernier Empereur à avoir abdiqué, date de seulement 1817.
Akihito prend le titre d'Empereur émérite, faisant de lui le 63e souverain japonais à porter ce titre après son abdication.
ALORS, C'EST QUOI LE SHINTŌ ?
Daniel Billaud, moine bouddhiste français installé en Puisaye, donne une courte définition du Shintō dans un article de L'Yonne républicaine :
Le shintoïsme, ou shintō, est la plus ancienne religion du Japon. Elle cherche à harmoniser l'homme avec la nature. L'homme n'est pas dominant, il ne cherche pas à dominer la nature, comme dans d'autres religions. On vit heureux en étant au contact de l'harmonie qui émane des plantes et des pierres. C'est une sorte d'animisme, qui considère qu'il y a une intelligence derrière tout [...].
Mélange de polythéisme, d'animisme, de chamanisme, de culte des ancêtres et de la nature, le Shintō regroupe un nombre infini (3) de divinités vivant dans un espace parallèle, les Kami (神). Par facilité, j'utilise volontiers les termes ''divinité'', ''déité'' ou ''dieu'', mais, en réalité, un Kami n'est pas un dieu, il s'agit simplement d'un esprit ou d'un aspect de spiritualité. Dans son livre, Emiko Kieffer les nomme ‘’âme-esprit’’, ce que je trouve assez poétique. La lecture sino-japonaise du kanji 神 est shin (ou jin) et, en Chine, ce caractère est utilisé pour se référer à divers esprits de la nature de la religion chinoise traditionnelle.
Dans le Shintō, il n’y a pas de vie après la mort et les défunts ont un autel dédié dans la maison. Il n’y a pas non plus de rythme hebdomadaire, comme, par exemple, la messe dominicale chez les chrétiens. Ce sont plutôt des célébrations annuelles, comme les Matsuri, et des rituels pratiqués sur demande. La famille reste le socle du Shintō (et de la société japonaise) et le mariage, ou la naissance, en sont des moments très importants.
Beaucoup de couples pratiquent le Shinzen kekkon (神前結婚) et la cérémonie Shinzen shiki (神前式) dans un sanctuaire. Il est coutume de dire que le mariage revient au Shintō, alors que le Bouddhisme s’occupe du décès et de l’enterrement. Il faut savoir qu’au Japon, un couple n’a pas à passer devant le maire pour officialiser son union. Il suffit de remplir un document et de le faire enregistrer auprès de l’état-civil, d’où l’importance du mariage rituel. Petite anecdote, du 10 au 17 octobre, les mariages n’ont pas lieu, car le Kamiari Matsuri, un festival où tous les Kami sont conviés, se déroule au sanctuaire Izumo Taisha (出雲大社), dans la ville d’Izumo. Ainsi, tous les Kami de l’archipel désertent leur sanctuaire respectif pour s’y rendre.
On ne peut parler de tous les aspects du Shintō, mais l’un d’eux ne vous est certainement pas étranger... Le Sumō (相撲)... Eh oui, ce sport est bel et bien lié au Shintoïsme. Il serait né dans le cadre d'une cérémonie religieuse pour accueillir la nouvelle année et est mentionné pour la première fois dans le Kojiki. Les combats sont, par la suite, introduits dans les cérémonies de la Cour Impériale, et, avant de devenir un sport professionnel à l'époque du shogunat Tokugawa, il est pratiqué sur le terrain d'un sanctuaire ou d'un temple. Le Dohyō (土俵) est toujours considéré comme une enceinte sacrée, et, avant chaque combat, les lutteurs jettent du sel sur celui-ci pour le purifier, reliant les racines spirituelles du sport au moderne. Le sanctuaire Ōkunitama-jinja, situé à Fuchū, organise chaque année le Festival de Hassaku-sumo. Les écoliers du quartier s’y affrontent lors d’un tournoi, où résonnent leurs cris pleins d’énergie, dixit le site internet de la ville.
DES KAMI PAR MILLIER
Vous en trouverez partout sur l'archipel, gardien(ne)s d'un sanctuaire, bien entendu, d'une montagne, une forêt, voire d'un seul arbre, d'une cascade... mais un Kami peut tout aussi bien être une déité personnifiée (comme Izanagi et Izanami), un animal, voire un ancêtre ou un personnage historique ayant prouvé sa valeur (comme Tokugawa Ieyasu). En japonais, les lieux ou objets à travers lesquels sont vénérés les Kami s'appellent des Goshintai (御神体), le Go étant honorifique. Parmi les plus célèbres, on trouve le mont Miwa, le mont Fuji, le mont Nantai, la cascade de Nachi ou l'île Oki-no-shima. Le rôle premier d'un sanctuaire est d'abriter et de protéger son Shintai et le Kami qui l'habite. Le plus souvent, celui-ci se trouve dans le Honden, à l'abri des regards, et n'en sort que pour les Matsuri, les festivals.
Le caractère des Kami est ambiguë, ils ne sont ni bons, ni mauvais, mais peuvent être susceptibles... On les prie en diverses occasions : pour obtenir la pluie ou de bonnes récoltes, de bons résultats scolaires, être en bonne santé... Les deux divinités les plus célébrées dans les sanctuaires Shintō ne sont pas issues de la nature. Il s’agit de Hachiman, le Kami de la guerre et protecteur divin du Japon et Inari, Kami de la croissance du riz, tantôt masculin tantôt féminin, qui a vu ses prérogatives évoluées au fil des siècles, jusqu'à devenir patron(ne) des guerriers, forgerons, des acteurs, des théâtres, des prostituées, des pompiers et même des pêcheurs.
À elles deux, ces divinités représentent plus de la moitié des sanctuaires...
Certes, il existe des myriades de Kami, mais certains sont plus importants que d'autres. Parmi eux, se trouvent les Kotoamatsukami (別天津神), les premiers Kami, le Kamiyonanayo (神世七代), regroupant les Kami nés par la suite, comme Izanami et Izanagi, les Amatsukami (Kami célestes) et les Kunitsukami (Kami de la terre) … On ne peut tous les citer, mais voici les plus connus.
Izanami (イザナミ) Kami de la création, puis de la mort, et Izanagi (イザナギ) Kami de la création. Un sanctuaire leur est dédié à Awaji, dans la préfecture de Hyōgo.
Amaterasu (天照) Kami du Soleil qui figure sur le drapeau japonais, avec ou sans ses rayons. On accole parfois à son nom le qualificatif ōkami (大神) ou ōmikami (大御神) signifiant ‘’grande déesse’’. Comme nous l’avons déjà vu, selon le Shintō, elle est l’ancêtre de tous les Empereurs. Le sanctuaire d'Ise (伊勢神宮) lui est dédié.
Hachiman (八幡神 ) Kami de la guerre et protecteur divin du Japon et du peuple japonais. Beaucoup de sanctuaires le vénèrent, comme le Tsurugaoka Hachiman-gū (鶴岡八幡宮) de Kamakura.
Tsukuyomi (月読) Kami de la lune. Le Matsunoo-taisha, situé près du district d'Arashiyama à l'ouest de Kyōto, lui est consacré.
Susanoo (素戔嗚命) Kami des mers et de la tempête. Le frère d'Amaterasu et de Tsukuyomi est vénéré, par exemple, dans le sanctuaire Yaegaki-jinja à Matsue (préfecture de Shimane).
Inari (稲荷神)Kami aux multiples talents, nous l’avons vu. Bien entendu, je ne peux que citer le Fushimi Inari-taisha (伏見稲荷大社), situé dans le district de Fushimi-ku à Kyōto.
Ajisukitakahikone (味耜高彦根) Kami de l'agriculture, de la foudre et des serpents. Il est vénéré au sanctuaire Futarasan, et sa demeure est le mont Tarō, un volcan des monts Nikkō.
Kagutsuchi (軻遇突智) Kami du feu. Le premier fils d'Izanagi et Izanami est célébré au Atago-jinja de Tōkyō.
Raiden (雷電), que l’on connait plus sous le nom de Raijin (雷神) Kami du tonnerre et des éclairs. Il est souvent représenté en statue, de même que Fujin, dans des sanctuaires, voire des temples Bouddhistes comme le Sanjūsangen-dō (三十三間堂), situé à Kyōto.
Fujin (風神) Kami du vent, frère de Raijin.
COHABITATION SPIRITUELLE
Nous l’avons vu, le shintoïsme n’est pas incompatible avec d’autres pratiques spirituelles. La cohabitation entre Bouddhisme et Shintō est souvent symbolisée par la pratique de l’ikebana, la composition florale (4), qui trouve autant ses racines dans la tradition bouddhiste et l’offrande de fleurs que de la croyance Shintō. D’ailleurs, le plus souvent, deux autels, l'un shintô, le Kamidana (神棚), l'autre bouddhique, le Butsudan (仏壇), sont présents dans la maisonnée. N’oublions pas que beaucoup de Japonais ne considèrent pas le Shintô comme une religion, mais plutôt comme une continuité des cultes des ancêtres et des rites ancestraux. Le Bouddhisme a donc toute sa place dans leur vie.
L'archipel recense plus de 80.000 sanctuaires...
Vous en trouverez partout, des petits, des grands, des somptueux, d'autres moins ornés mais tout aussi importants... Certains au détour d'une rue, d'autres en haut d'une montagne... Les sanctuaires Shintō vous accueilleront, même si vous n'êtes, comme moi, qu'un touriste. Je ne vous donnerais pas de liste, vous en trouverez pléthore sur le net et mes photos regroupent déjà quelques lieux de culte à visiter. Il faut savoir que beaucoup sont classés Trésor national ou Bien culturel important et que tous appartiennent au Jinja Honchō (神社本) (5) et que le Grand sanctuaire d'Ise (伊勢大神宮) est considéré comme le plus sacré de tous.
Si vous avez un doute au sujet de la religion pratiquée sur le lieu que vous allez visiter, il suffit de lire le nom du lieu de culte. Dans la langue japonaise, le temple bouddhiste est désigné par le mot Dera ou est suivi du suffixe -ji. Le sanctuaire, lui, est qualifié de Jinja, de Taisha, de Jingu ou est suivi du suffixe -gū (source : Vivrelejapon.com).
Hormis leur nom, comment les distingue-t-on des temples bouddhistes ? Voici une liste non exhaustive de personnes, de lieux et d'objets que vous trouverez spécifiquement dans un sanctuaire (6). Sachant que la composition de ceux-ci est extrêmement variable et aucune de leurs possibles caractéristiques n'est nécessairement présente (même le Honden peut manquer).
Commençons par le personnel d’un sanctuaire :
Le Kannushi (神主), aussi appelé Shinshoku (神職), est la personne responsable de l'entretien d'un sanctuaire, ainsi que du culte d'un Kami donné. Il existe, bien entendu, plusieurs rangs.
Les Miko (巫女) sont des jeunes femmes au service d'un sanctuaire. Elles assistent le Kannushi dans ses tâches cléricales quotidiennes et accueillent les visiteurs. Le saviez-vous ? Les Miko n'ont pas le droit de porter de lunettes (Source : Japanese Style Originator sur Netflix)
Ensuite, les lieux et objets :
La forêt ‘’Chinju no mori” (鎮守の杜) Comme les montagnes, les forêts sont considérées comme sacrées et beaucoup de sanctuaires y ont été construits. Elles abritent un Goshinboku (御神木), un arbre sacré que vous reconnaitrez aisément, puisqu’il sera entouré d’un Shimenawa et de Shide.
Le Torii (鳥居) Ce portail sacré marque la séparation entre le monde des humains et celui des Kami. Aussi, les visiteurs doivent s'incliner en le franchissant, mais il est vrai que je n’ai pas vu beaucoup de monde le faire. Attention, ensuite, vous devez passer sur le côté du Sandō (参道), le chemin d'accès au sanctuaire proprement dit, le centre étant réservé au Kami.
Le Temizuya ou Chōzuya (手水舎) est le bassin où vous devrez vous purifier, en vous mouillant la main gauche, la droite, puis la bouche, et, pour finir, en nettoyant la poignée de la louche, appelée Hishaku (柄杓) avec le reste de l’eau. Veillez à bien recracher dans le bassin prévu à cet effet.
Le Honden ou Shinden (神殿) est le bâtiment est le plus sacré du sanctuaire, destiné uniquement à l'usage du Kami qui y est vénéré. Il est fermé au grand public et souvent en retrait.
Le Haiden (拝殿) est le bâtiment consacré au culte où vous pourrez prier.
Le Shimenawa (標縄) est une corde sacrée, constituée de torsades de paille de riz. Il délimite généralement une enceinte sacrée. Par exemple, vous en verrez toujours au niveau du Haiden et les arbres considérés comme sacrés sont également entourés par un Shimenawa.
Le Shide (紙垂) est une banderole de papier en zig-zag, souvent attachée à un Shimenawa ou à un Tamagushi (une baguette utilisée par le prêtre).
Le Heiden (幣殿) est destiné à recevoir les offrandes des fidèles, il s'agit le plus souvent d'un passage reliant le Honden au Haiden.
Le Shamusho (社务所) est le bureau administratif du temple chargé des relations avec les fidèles et des ventes.
Le Mikoshi (神輿) est un palanquin sacré servant à transporter un Kami entre le sanctuaire principal et le sanctuaire temporaire lors d'un festival (les fameux Matsuri) ou lors du déplacement vers un nouveau sanctuaire.
Vous pourrez également trouver un Karamon (唐門), une ‘’porte chinoise’’ comme au Nikkō Tōshō-gū (日光東照宮) ; les Niō (仁王) également appelés Kongō-rikishi (金剛力士), les deux divinités gardiennes des temples et sanctuaires ; un Kagura-den, le bâtiment dédié au Kagura, la danse sacrée ; des Komainu (狛犬), les chiens gardiens du sanctuaire (l'un a la gueule ouverte, l'autre fermée) ; des Sessha (摂社) ou Massha (末社), de petits sanctuaires auxiliaires ; un Hokora, un très petit sanctuaire se trouvant dans l'enceinte d'un plus grand sanctuaire dédié à un kami populaire ; des Tōrō, les lanternes en pierre ; si le sanctuaire est dédié à Inari, vous y trouverez, bien entendu, des statues de Kitsune, les renards servant de messager au Kami; mais vous pourrez également trouver des statues de vaches, dragons, lapins... ; les grands sanctuaires exposent également, comme au Meiji-jingu, des tonneaux de Nihonshu, voire de vin.
Si vous souhaitez prier, personne ne vous en empêchera. Après tout, si un sanctuaire est dédié à Ōkuninushi (大国主), le Kami de la médecine, vous pouvez lui demander de rester en bonne santé.
Toutefois, outre la purification, vous aurez quelques règles à suivre.
Approchez-vous du Haiden. Mettez une pièce dans le tronc (le mieux serait une pièce de cinq yens, Go En, qui se prononce comme le mot ''destin'' formulé avec respect) et faites sonner la clochette, appelée Suzu (鈴). Inclinez-vous deux fois, puis tapez deux fois dans vos mains pour signaler votre présence à la divinité. Gardez vos mains jointes, et, une fois le moment de recueillement terminé, inclinez-vous une dernière fois.
Ensuite, vous pouvez vous rendre au Shamusho pour y déposer des demandes de prières rituelles
Dans un sanctuaire, vous pourrez acheter des Ema (絵馬), des plaques votives en bois, des Nōsatsu (納札), des cartes votives en papier, des O-mikuji (お神籤), des divinations écrites sur des bandes de papier que l'on achète sur place et que l'on peut attacher ensuite dans le sanctuaire pour conjurer le mauvais sort, des Hamaya (破魔矢), des talismans que l'on place dans la maison pour écarter les esprits malfaisants, des Shinsatsu (神札), de grandes amulettes en papier, en bois ou en métal pour le Kamidana, et des Mamori fuda (守札), de petites amulettes à porter sur soi. Suivant le sanctuaire, vous pourrez également acheter un Goshuin (御朱印), une calligraphie assortie du tampon du sanctuaire. C’est payant, mais pas très cher (généralement aux alentours de 300 yens) et cela fait un excellent souvenir. Vous pourrez les collecter dans un Goshuinchō, un petit livret, également payant, dans lequel on collectionne les sceaux officiels des temples et sanctuaires visités au Japon. Attention à ne pas mélanger les sceaux venant de sanctuaires et de temples Bouddhistes, il vaut mieux utiliser un carnet par type de lieu.
En partant, vous pourrez de nouveau vous incliner devant le Torii.
MAIS, ET LES YŌKAI ?
Les Yōkai (妖怪), sont les créatures surnaturelles du folklore japonais. Ils sont souvent représentés comme des esprits malfaisants ou simplement malicieux, à l’instar des Kitsune. On en trouve de toutes sortes, monstres, animaux, humains transformés... Les Oni, les Tengu, les Kappa, les Tanuki... sont autant de Yōkai différents. On en fait mention dès le 1er siècle, dans un livre provenant de Chine, Après l'histoire (循史伝), où il est question d’un spectre hantant la cour Impériale. Les yōkai ne sont pas nécessairement liés au Shintō, mais celui-ci, ainsi que le Bouddhisme, a fortement influencé le folklore. Ils ont toujours inspiré les conteurs et des artistes de l’Ukiyo-e comme Utagawa Kuniyoshi, Tsukioka Yoshitoshi, ou Katsushika Hokusai ont représenté des yōkai.
NOTES
(1) Le Bouddhisme, appelé Bukkyō (仏教) au Japon, a été importé de Chine, via la Corée, vers la moitié du VIe siècle. Selon la tradition, le roi du Kudara fit connaître la doctrine bouddhiste au souverain du Yamato (les plaines et monts autour de l’actuelle Nara) lors d’un échange diplomatique.
(2) Lire l'article ''182 millions de croyants au Japon…sur 126 millions de Japonais ?'' sur le site Nippon.com.
(3) En japonais, on ne distingue le singulier du pluriel que par le contexte de la phrase, il est donc parfois difficile de savoir si Kami fait allusion à une entité ou à des entités. Lorsque le pluriel est absolument nécessaire, le terme Kami-gami (神々) est utilisé. On dit souvent 八百万の神 (yaoyorozu no kami), traduit par “huit millions de Kami''. D'ailleurs, en japonais, le nombre “huit millions” est souvent utilisé pour impliquer l’infini.
(4) L'Ikebana (生け花) ou Kadō (華道) est l'un des trois arts du raffinement japonais avec le Kōdō (香道), l’art d’apprécier les parfums, et le Chadō (茶道), la cérémonie du thé.
(5) Le Jinja Honchō (神社本庁) est l'association des sanctuaires shintoïstes. C’est une organisation administrative religieuse qui supervise les 80 000 sanctuaires à travers le Japon. Ses objectifs sont 1) de guider les sanctuaires membres avec l'administration, 2) de préserver les rituels et festivals traditionnels Shintō, ainsi que de promouvoir la morale traditionnelle, 3) de prier pour le développement prospère de la société japonaise, 4) et de contribuer dans l'établissement d'une paix mondiale éternelle.
(6) J'aurais pu commencer par là... Mais on parle de sanctuaire (Jinja) pour le Shintō, et non de temple comme pour le Bouddhisme.
BIBLIOGRAPHIE
Le Shinto, la source de l'esprit japonais de Emiko Kieffer chez Éditions Sully
Shinto de Yamakage Motohisa chez Sully Éditions
Le Kojiki de Yukako Matsui et Pierre Vinclair chez Le Corridor bleu
Yōkai - Fantastique art japonais de Brigitte Koyama-Richard chez Nouvelles éditions Scala
SOURCES
Wikipedia.org , Vivrelejapon.com , Voyage.fr , Fascinant-japon.com , Nippon.com , Lyonne.fr , Journaldujapon.com , Jinjahoncho.or.jp , Mystery-city-fuchu.jp , La-croix.com , Aboutjapan.japansociety.org