Lors de notre séjour 2025, nous nous sommes rendus à Shiraoi (白老), sur la côte sud d’Hokkaidō,, pour visiter Upopoy (ウポポイ), le premier musée national du Japon consacré à une culture indigène : celle du peuple Ainu (アイヌ).
Ce musée voit le jour en 2020, après des décennies de mobilisation et de recherches. Il s’inscrit dans un projet national de reconnaissance, de préservation et de valorisation de la culture Ainu, longtemps marginalisée. Son ouverture fait suite à une loi historique adoptée en 2019, par laquelle l’État japonais reconnaît officiellement les Ainu comme peuple autochtone du Japon. Le musée est géré par la Fondation pour la promotion de la culture Ainu (公益財団法人アイヌ民族文化財団).
Nous y passons plusieurs heures, entre visite intérieure et promenade dans la neige. C’est une journée paisible, mais marquante, dans un lieu où mémoire, culture et nature se répondent.
Le nom Upopoy signifie "chanter en chœur" en langue Ainu. Le musée s’inscrit dans un vaste parc culturel dédié à la transmission et à la préservation de cette culture encore méconnue au Japon.
Dès votre arrivée, vous serez frappés par l’architecture du bâtiment principal : un grand volume tout en bois clair, qui s’ouvre sur le lac Poroto (ポロト湖), complètement gelé à cette saison. Le lieu invite au calme, à l’écoute. L’ambiance est respectueuse, jamais pesante, et très bien pensée pour accueillir tous les publics.
À l’intérieur, la scénographie du musée est à la fois sobre, interactive et immersive. On découvre les croyances animistes du peuple Ainu, leurs outils, leurs vêtements, leurs relations avec la nature. De nombreuses vitrines présentent des objets traditionnels, souvent fabriqués à la main, comme des paniers tressés, des jouets, ou encore des ikupasuy (イクパスイ), ces baguettes utilisées lors des prières. Des écrans diffusent des récits mythologiques, des entretiens avec des artistes ou des enseignants Ainu, et des extraits sonores en langue Ainu. Tout est traduit en japonais, en anglais, et parfois même en Ainu. L’expérience est à la fois didactique et touchante.
En sortant du musée, nous visitons l'atelier, où il est possible de fabriquer des Mukkuri (ムックリ), la guimbarde traditionnelle en bambou utilisée par les Ainu, dont les sons vibrants sont produits par la respiration et les mouvements de la bouche.l'instrument Avec ma vue basse, j'ai préféré décliner... Il est également possible d'en acheter à la boutique. Pour ma part, j'ai préféré acheter un Uchiwa (団扇), l'éventail plat traditionnel, également fabriqué ici, si j'en crois le dos du paquet.
Ensuite, direction, le Kotan (コタン), un village Ainu traditionnel reconstitué. Sous la neige, les Cise (チセ), les maisons en roseaux, semblent figées dans le temps. Il ne fait pas trop froid, et nous restons un petit moment à explorer les différents bâtiments, les enclos à animaux, dont des enclos à ours, et les outils exposés. Dans le passé, les Ainu pratiquaient la chasse à l'ours, un élément central de leur culture et de leurs rituels spirituels. L'ours, considéré comme un esprit divin, était respecté, et un rituel, appelé l'iyomante (イヨマンテ), était effectué pour honorer l'âme de l'ours après la chasse, en lui offrant des prières et des offrandes. Certains ours étaient capturés alors qu’ils étaient encore jeunes et élevés dans des enclos spécialement conçus à cet effet. Ces ours étaient nourris et soignés pendant plusieurs mois, parfois même plusieurs années, jusqu'à ce qu'ils atteignent une taille suffisante pour être tués rituellement lors du l'iyomante. Cela peut sembler cruel, vu de nos yeux d'occidentaux, mais il est important de replacer cette pratique dans son contexte culturel. Pour les Ainu, l’ours n’était pas un simple animal, ni une ressource à exploiter. C’était un Kamuy (カムイ), un esprit divin venu du monde des dieux, temporairement incarné dans un corps terrestre. Le tuer lors d’un rituel comme l’iyomante, ce n’était pas l’exécuter, c’était le libérer, lui permettre de retourner dans le monde spirituel avec les honneurs, les offrandes, les chants et les danses. Le geste, aussi choquant puisse-t-il paraître aujourd’hui, était profondément empreint de respect.
On ferme la parenthèse et on continue notre visite. À cette époque, le lac Poroto (ポロト湖) est entièrement gelé. Son étendue blanche se fond dans le ciel. C’est beau, presque irréel. Le calme du lieu amplifie la sensation d’être dans un autre Japon, profondément ancré dans la nature. Apparemment, certains le parcourent à pied... Jamais je n'oserais...
Nous terminons notre visite par deux démonstrations, proposées à l’intérieur d'une maison, dans un espace chaleureux. Une femme en tenue traditionnelle Ainu interprète un morceau de mukkuri (ムックリ), cette guimbarde en bambou dont les vibrations varient avec la respiration, puis nous chante une berceuse (j'ai mis en ligne un reel sur Facebook et Instagram. Ces moments imprévus ne sont pas des spectacles. Ils ressemblent davantage à des partages intimes, offerts avec sincérité.
Upopoy n’est pas un musée comme les autres. C’est un lieu vivant, ancré, respectueux, où l’on vient non seulement apprendre, mais aussi ressentir. En plein hiver, sous la neige, la visite prend une dimension particulière : on ressent le lien entre le peuple Ainu et son environnement, entre mémoire et résilience.
Je suis heureux d’avoir partagé cette découverte avec mon neveu. Et si vous avez l’occasion de passer par Hokkaidō, je vous recommande vivement d’y faire un tour, quelle que soit la saison.
En 2019, pour la première fois dans son histoire, le gouvernement japonais reconnaît officiellement les Ainu comme un peuple autochtone du Japon. Cette reconnaissance juridique, bien que tardive, constitue une étape majeure pour les communautés Ainu de Hokkaidō et pour la mémoire collective du pays.
Elle s’inscrit dans un contexte international de défense des peuples autochtones, notamment en lien avec la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (2007). La création d’Upopoy en 2020 répond, même s'il reste beaucoup de chemin à parcouritr, à une volonté de restaurer la dignité et la visibilité de cette culture unique, longtemps effacée par la politique d’assimilation du Japon.
Shiraoi est à, environ, une heure de Sapporo en Suzuran. Comptez 10 minutes de la gare pour atteindre le musée.
Adresse : 2-chōme-3 Wakakusachō, Shiraoi, Shiraoi District, Hokkaido 059-0902, Japon
Horaires : de 9 heures à 18 heures (20 heures l'été)
Tarif adulte : 1 200 ¥
Temps de visite moyen : 2 à 3 heures selon ce que vous voulez voir et si vous assistez à des démonstrations
Site
Le musée et sa forme si particulière © Le Japon et moi - 2025
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