Samurai et bushi, même combat ?

Cela faisait longtemps que je voulais écrire un article sur les samurai... Je sais, beaucoup l'ont fait avant moi, mais justement... l'origine réelle de ces hommes d'armes est tellement différente d'un texte à l'autre que je ne pouvais manquer d'essayer d'y voir plus clair.

Photographie en studio d'un samurai par Felice Beato,  vers 1860

Photographie en studio d'un samurai par Felice Beato,  vers 1860

COMMENÇONS PAR LE MOT SAMURAI ()

Le terme, francisé ''samouraï'', est, selon Wikipédia, mentionné pour la première fois dans un texte du Xe siècle. Ce serait un dérivé du verbe ''saburau'' (侍う), ''servir''. D'après Universalis.fr, il viendrait des gardes de la cour impériale et de la haute noblesse désignés sous le vocable de saburai (ou samurai), et ce parallèlement à l'avènement des bushi... Toutefois, ce mot ne fut réellement utilisé que bien plus tard, au XVIIe siècle.

BUSHI ET SAMURAI NE SIGNIFIENT-ILS PAS LA MÊME CHOSE ?

Pas vraiment, ''bushi'' désignait un guerrier avant tout, combattant pour un Seigneur en échange de terres et d'argent. Son rôle était d'agrandir la puissance de son clan, sur le champ de bataille, mais aussi en dehors. Le samurai, lui, tel qu'on le connait de nos jours, était un fonctionnaire armé, laissant le côté guerrier pour les cérémonies, et s'intéressant aux arts, comme la peinture, la calligraphie, l'ikebana, la cérémonie du thé, le Nō... Bien entendu, il obéissait à son Seigneur, l'aidant à gérer son domaine et ses intérêts. Comme le bushi, il faisait partie de l'aristocratie guerrière, mais, contrairement aux idées reçues, utilisait rarement ses armes. N'oublions pas que la période Edo fut une ère de paix pour le Japon, d'où ce changement de voie, pourrait-on dire.

Personnellement, j'utilise volontiers les deux termes... Oui, je sais, ce n'est pas bien... Mais, pour moi, le samurai reste avant tout un guerrier, donc un bushi, ayant, au fil du temps, vu ses prérogatives changer. D'ailleurs, d'après Kotoba, spécialiste de la linguistique japonaise: '' [...] il semble que les mots saburai et bushi aient coexisté depuis environ 800 avec des évolutions sémantiques en fonction de l’époque.[...] jusqu’au 13-14ème siècle, c’était plutôt le mot saburai qui correspondait à un rang supérieur puisque seuls ces derniers pouvaient apparemment monter à cheval. Mais, à part ça, on ne les distinguait pas de manière stricte.''. Toutefois, ne le confondez pas avec le rōnin, dont nous parlerons plus bas.

LES ORIGINES

Il existe plusieurs théories sur l'origine des bushi et il n'y en a pas une qui fasse consensus à l'heure actuelle. Le site Japanese Wiki Corpus en évoque d'ailleurs plusieurs. Kure Mitsuo, dans son livre Les samouraïs, histoire illustrée, en évoque également.

Le terme Bushi (武士) apparaîtrait pour la première fois dans le Shoku Nihongi (続日本紀) qui aurait été achevé en 797. Mais, Japanese Wiki Corpus explique quele mot ''bushi'' lui-même n'aurait pas été couramment utilisé à partir de la période Heian et viendrait de ''busha'', apparu dans la phrase ''松影是雖武者子孫''' (Matsukage était le véritable descendant de busha), dans Oraimono (un manuel pour les gens ordinaires) au milieu de ladite période.

Vous êtes perdus ? Moi aussi, rassurez-vous.

Revenons à Bushi. Le terme trouve son origine dans le mot chinois ''wushi''. Le kanji 武 renvoie à la notion de “guerrier courageux” et 士 sert de suffixe pour indiquer une fonction. Les bushi, ou ''Mononofu'' en japonais archaïque, étaient des cavaliers en armure, dont l'arme principale était l'arc (et non le sabre). Cette nouvelle classe militaire, formée de professionnels et non de conscrits, trouverait son origine dans la volonté de l'Empereur Kammu de conquérir les terres des Ainu (1) à la fin de la période Nara.

Kure Mitsuo pense que ces cavaliers habiles à tirer des flèches et originaires du Kanto, seraient les descendants des coréens qui, après la chute de la colonie nippone de Mimana en 562, et la fin de la dynastie Paekche en 660, trouvèrent refuge au Japon. Redoutant leur influence, le gouvernement les poussa à s'implanter dans la région de l'actuelle Tōkyō. Certains de ces hommes étant des éleveurs de chevaux, on peut donc vite faire le rapprochement. Néanmoins, l'auteur lui-même évoque des contradictions dans cette origine.

Stephen Turnbull, historien britannique et expert du sujet, indique que les bushi passent ensuite rapidement du service impérial à celui des riches propriétaires terriens des provinces, qui doivent lutter contre les Emishi (2), les bandits et les propriétaires terriens rivaux. Il indique également que ceux-ci, bien que d'origine modeste, se placent sous l'égide de descendants de lignées impériales mineures.  

Une nouvelle aristocratie émerge, celle des guerriers, appelée Buke (武家), mais, très vite, des tensions apparaissent entre cette noblesse d'arme et l'aristocratie impériale, appelée Kuge (公家). Scission qui, à mon avis, trouve son paroxysme, lorsqu'en 1156, les deux principaux Bushidan (武士団), les clans de guerriers Taira et Minamoto, ainsi que le clan Fujiwara (藤原氏) qui fut l'une des plus puissantes familles nobles du pays, s'affrontent lors de la Rébellion de Hōgen pour succéder au pouvoir. À l'issue de la rébellion de Heiji et de la guerre de Genpei, Minamoto no Yoritomo met en place le shogunat de Kamakura.

Les nobles ont perdu...

LA DOMINATION

Entre le XIIe et le XIXe siècle, la caste guerrière domine littéralement le Japon. L’avènement de Minamoto no Yoritomo en 1185, et sa nomination officielle au poste de Shōgun en 1192, va bouleverser l'équilibre des forces pendant des siècles. Tous les dirigeants du pays font partie de cette classe, le Shōgun, les grands Seigneurs, leurs vassaux... Mais, même s'ils représentent tous la classe dirigeante, il y a énormément de différences entre un petit bushi, ayant parfois du mal à survivre, et un Seigneur... Des différences sociales, bien entendu, mais aussi culturelles.

Minamoto no Yoritomo
Minamoto no Yoritomo

On considère que le Sengoku-Jidai (戦国時代), période se déroulant entre 1477 et 1573, fut la période faste pour les bushi. Le pays est à feu et à sang, le pouvoir central n'arrive pas à maintenir la cohésion et les Daimyō, qui gouvernent chacun une province, sont en guerre permanente. Beaucoup de guerriers se rebellent, trahissant leur clan, massacrant la population... Cette période s'achève par l'unification progressive du Japon sous l'action d'Oda Nobunaga, puis de Toyotomi Hideyoshi, qui éliminent ou soumettent progressivement les autres Seigneurs. Après la fameuse bataille de Sekigahara en 1600, Tokugawa Ieyasu est nommé à son tour Shōgun en 1603 (ce que ces deux prédécesseurs n'avaient pu réaliser) et établit une ère de paix qui durera jusqu'au XIXe siècle...

Beaucoup de changements vont découler de cette nomination et de la mainmise du clan Tokugawa sur le pays.

 

Carte des territoires des Sengoku Daimyō autour de la première année de l’ère Genki (1570)

Carte des territoires des Sengoku Daimyō autour de la première année de l’ère Genki (1570)

UN GUERRIER EXEMPLAIRE ?

Même si le bushi d’avant la période Edo combat pour un Seigneur, pour son clan, il se bat également pour ce que cela peut lui apporter, ne l'oublions pas. Le terme ''mercenaire'' ne lui irait pas, même s’il arrive que le peuple le voit ainsi, car il a quand même des principes et un code de conduite… toutefois…
Pierre-François Souyri, dans son Histoire du Japon médiéval – Le monde à l'envers (Tempus) mentionne le mot ''opportuniste'' :

L’épisode ici montre les limites de la fidélité censée exemplaire du guerrier japonais. Pour peu que la situation devienne difficile sur le plan militaire, le samouraï est prêt à trahir pour déserter. C'est la victoire qui l'attire et la perspective des récompenses. Il est avant tout opportuniste.

Pierre-François Souyri

L’épisode dont parle ici l'auteur est celui où, en 1184, Noriyori, frère de Minamoto no Yoritomo écrit à celui-ci une missive désespérée pour lui demander de l'aide : '’À cause du manque de vivres, les hommes sont divisés et languissent chacun après leur pays et plus de la moitié d'entre eux est décidé à déserter pour rentrer chez soi.’’ Ce n'est pas le seul exemple cité. Quelques pages plus tôt, Souyri évoque, en parlant des Taira, les ennemis des Minamoto : '’Depuis son départ du Kinai (actuel Kansai), l’armée Taira a vu fondre ses effectifs : ses guerriers désertent au fur et à mesure qu'ils progressent vers l'est. Face à leurs adversaires, ils s'enfuient. Ils ont confondu de nuit le bruissement des poules d'eau avec une attaque ennemie […].’’ S'en suit un extrait du Dit du Heike narrant cette mésaventure.

Notons que pendant la période Heian allant de 794 à 1185 (les exemples cités se déroulant lors de la Guerre de Genpei), les armées n’étaient pas entièrement composées de bushi à cheval, loin s'en faut. Ceux de rang inférieur allaient à pied, servant d’auxiliaires, et on y trouvait également des fantassins puisés dans la manne paysanne du clan. Certes ces derniers ne devaient pas hésiter à prendre leurs jambes à leur cou dès lors que la situation devenait inconfortable, et on les comprend… Mais les guerriers ne devaient pas être en reste… Bien entendu, les bushi suivaient La Voie de l'arc et du cheval, ancêtre du Bushidō (voir plus bas), mais ils n'en restaient pas moins des hommes, et il est fort à parier que ce genre de situation s'est mainte fois répétée.

LE CHANGEMENT DE STATUT
Véritable armure de type ō-yoroi (Samuraimuseum.jp)
Véritable armure de type ō-yoroi (Samuraimuseum.jp)

Comme vu plus haut, l'ère Edo est une période de paix, suite à la réunification du pays. Le rôle du bushi finit par changer, de gré ou de force, devenant un fonctionnaire au service d'un Seigneur. Ne croyez pas autant que ce soit le déclin, le samurai vit selon des principes définis, le fameux Bushidō et vit, parfois, mieux qu'avant, bénéficiant d'une rente régulière. La caste guerrière domine toujours le pays, et les samurai représentent 5 à 7% de la population...

Des règles strictes sont édictées et le shogunat Tokugawa met en place le shinōkōshō (士農工商), un système hiérarchique confucéen de classification des individus par rapport à leur origine sociale et leur métier, destiné à stabiliser le pays. Par ordre d'importance : Guerriers (BuSHI), Paysans (NŌmin), Artisans (KŌgyō), Marchands (SHŌnin). Puis venait les autres : les personnes pratiquant une activité liée à la mort (comme les bouchers et les tanneurs) faisaient partie de la classe des parias, appelée Eta (穢多), puis venait les Hinin (非人), les intouchables.

Cet ordre avait son importance, mais ne changeait pas grand chose à la vie quotidienne.. surtout pour les plus bas dans l'échelle..

Les bushi possèdent une hiérarchie bien définie qui diffère selon les époques, mais qui reste marquée par la relation entre le Shōgun, les Daimyō et les autres membres de la classe militaire. 

Après le shōgun, qui est le dirigeant suprême, viennent les Daimyō (大名), les seigneurs féodaux responsables de gouverner des provinces appelées Han (藩). Les Daimyō sont des seigneurs puissants qui administrent un territoire et une population. Cependant, pour accéder à ce titre, une famille doit posséder au moins 10 000 koku de revenus. Le koku est un indicateur clé du statut et de la capacité économique des Daimyō, et seules les familles les plus riches peuvent donc prétendre à cette position. Ainsi, un Daimyō avec 10 000 koku contrôle une région et a suffisamment de ressources pour lever des troupes, entretenir un château, administrer son territoire, et distribuer des terres ou des rentes à ses vassaux.

En comparaison, un paysan moyen à l'époque Edo cultive environ 1 à 3 koku par an. Cela donne une idée du niveau de richesse des Daimyō et de leur pouvoir de commandement, par rapport à celui des simples habitants.

Ainsi, les Daimyō jouent un rôle crucial dans l'organisation politique et militaire du Japon féodal. Leur autorité, bien qu'importante, reste subordonnée au Shōgun, qui détient le pouvoir suprême. Ces seigneurs féodaux ont non seulement une fonction administrative mais sont aussi responsables de l'armée locale, ce qui les place au cœur de la dynamique politique et militaire du Japon médiéval.

Le clan Li arborait des armures d'un rouge éclatant (source : Forums.taleworlds.co)

Le clan Li arborait des armures d'un rouge éclatant (source : Forums.taleworlds.co)

Les samurai sont, selon l'époque, divisés en plusieurs groupes, selon leur pouvoir et leurs attributions. En voici une liste non exhaustive, en fonction des périodes.

Période Heian (794-1185)

Pendant la période Heian, la classe des samurai est en pleine formation. Les bushi (武士) commencent à se distinguer, mais ce n'est qu'à la fin de cette période que les samurai prennent véritablement leur forme.

  • Bushi (武士) : On l'a vu, les bushi sont les "ancêtres" des samurai. Ils sont des guerriers au service des nobles et des seigneurs locaux, souvent issus des clans ruraux. Leur rôle est essentiellement militaire, bien qu'ils n'aient pas encore la structure sociale et le statut que l’on associe aux samurai plus tard.
  • Heishi (平士) : Ce terme désigne des samurai de rang inférieur qui servent souvent dans des fonctions militaires subalternes, souvent dans les régions rurales.

Période Kamakura (1185-1333)

Avec l'établissement du shogunat Kamakura, les bushi deviennent les acteurs principaux de la politique et de la société japonaise.

  • Kokushi (国司) : Ce sont des fonctionnaires impériaux ayant des responsabilités administratives locales. Ils sont souvent issus de la classe des guerriers.
  • Bushi de clan : Pendant cette période, les bushi commencent à être plus organisés, appartenant à des clans puissants. L’idée de fidélité à un seigneur se renforce.
  • Shugo (守護) : Ce terme désigne des bushi qui gouvernent une province au nom du Shōgun ou de l'empereur. Ils sont responsables de la sécurité et de l'administration locale. Les shugo sont une forme précoce de seigneur féodal.

Période Muromachi (1336-1573)

La période Muromachi est marquée par des conflits incessants, notamment la période Sengoku. Les samurai sont essentiels au développement des seigneurs féodaux.

  • Hatamoto (旗本) : Les hatamoto n'ont pas encore la même centralité dans l'administration qu'à l'époque Edo. À cette époque, ils sont essentiellement des vassaux des Daimyō locaux. Ils jouent souvent un rôle dans les conflits entre seigneurs locaux ou durant les guerres civiles, comme la guerre de Ōnin.
  • Sōshi (宗師) : Ce terme désigne des bushi de haut rang dans les grandes familles, souvent à la tête d’un clan ou d'une grande force militaire.
  • Makushita (幕下侍) : Des guerriers de rang inférieur, mais au-dessus des gōshi (郷士). Ils sont souvent affectés à des rôles militaires et à la gestion de petites régions ou forteresses, mais n'ont pas le même niveau de privilèges ou de responsabilités que les hatamoto ou les bushi de haut rang
  • Jizamurai (地侍) : Les jizamurai sont des bushi de rang inférieur, souvent associés à des régions rurales et ayant des responsabilités militaires locales. Ils sont responsables de la gestion des terres et de l’ordre dans les communautés rurales.
  • Gōshi (郷士) : Similaires aux jizamurai, mais ayant un statut moins élevé, les gōshi sont issus de familles modestes dans les zones rurales.
  • Heishi (平士) : Toujours des bushi de bas rang, souvent chargés de fonctions subalternes.

Période Edo (1603-1868)

Le shogunat Tokugawa instaure un système stable et pacifique, la classe des samurai devient plus hiérarchisée et administrative.

  • Rōjū (老中) : Les Rōjū, littéralement "anciens", sont les plus hauts conseillers du Shōgun. Ils forment un conseil chargé de superviser l’administration centrale du shogunat Tokugawa. Leurs responsabilités incluent la gestion des relations avec les daimyō, la supervision des finances, des travaux publics, des affaires religieuses et la compilation des archives gouvernementales. Les Rōjū siègent en rotation, chacun assurant ses fonctions pendant un mois, et communiquent avec le shōgun par l’intermédiaire du soba-yōnin (側用人), un chambellan. Ils participent également au Hyōjōsho (評定所), un conseil qui agit parfois comme une cour suprême pour trancher les litiges importants.
  • Hatamoto (旗本) : Les hatamoto sont toujours des samurai de haut rang au service direct du Shōgun ou de daimyō durant la période Edo. Ils forment l'élite militaire du bakufu, jouissant de privilèges considérables et d'une grande influence. Ils occupent des rôles importants dans l'administration, la gestion des terres et la défense du pays. Les hatamoto sont souvent responsables de la gestion de terres sous le contrôle direct du Shōgun et reçoivent un salaire en riz, reflétant leur position prestigieuse. En tant que vassaux fidèles, leur loyauté envers le shogunat est essentielle à la stabilité politique. Bien que leur statut les place au sommet de la hiérarchie des samurai, ils sont toujours subordonnés aux daimyō en termes de pouvoir territorial.
  • Ometsuke (大目付) et Metsuke (目付) : Fonctionnaires chargés de la surveillance et de l’inspection au sein du shogunat Tokugawa. Les Ometsuke supervisent les daimyō et les hauts fonctionnaires, veillant à leur loyauté et à leur conformité aux lois. Les Metsuke, quant à eux, surveillent les samouraïs de rang inférieur et les affaires internes des domaines. Ces postes sont essentiels pour maintenir l’ordre et prévenir les rébellions ou les abus de pouvoir.
  • Fudai Daimyō (譜代大名) : Les fudai daimyō sont les daimyō de confiance qui ont servi la famille Tokugawa depuis ses débuts. Ils sont souvent issus des clans alliés du shogun Tokugawa et ont des territoires plus petits mais sont particulièrement loyaux envers le shogun. Ils détiennent des fiefs relativement stables et sont souvent des administrateurs compétents, mais leur pouvoir est limité par la centralisation du pouvoir sous le shogunat Tokugawa.
  • Tozama Daimyō (外様大名) : Les tozama daimyō étaient des daimyō qui n'étaient pas originaires de la famille Tokugawa et qui ont rejoint le shogunat après la consolidation du pouvoir de Tokugawa Ieyasu. Ils sont souvent considérés comme des alliés extérieurs ou des seigneurs de clans rivaux qui ont été forcés d’accepter l'autorité du shogunat. En raison de leur statut d'allié tardif, ils sont souvent surveillés de près par le shogun et ont des fiefs plus petits ou moins riches que les fudai daimyō.
  • Shinpan Daimyō (親藩) : Les shinpan daimyō sont les membres de la famille Tokugawa eux-mêmes ou des alliés très proches. Ils possèdent des fiefs importants et sont souvent chargés de rôles de direction dans le gouvernement central. Leur statut est comparable à celui des membres de la famille royale, et ils jouissent de privilèges exclusifs tout en étant fidèles à l’autorité du Shōgun.
  • Daimyō Eda (江戸大名) : Certains daimyō jouent des rôles stratégiques, en particulier quand Edo devient la capitale du shogunat Tokugawa. Ils sont responsables de l'administration locale et de la sécurité de la ville.
  • Kugyō-ke no daimyō (公家家の大名) : Certains daimyō ne sont pas des guerriers à l’origine, mais issus de la noblesse de cour (kuge 公家), proches de l’empereur ou rattachés à de vieilles lignées aristocratiques de Kyōto. Ils reçoivent parfois des fiefs par faveur ou en reconnaissance de leur statut cérémoniel, et bien que leur pouvoir militaire soit souvent limité, leur prestige est immense. Leur rôle est davantage symbolique et politique, incarnant l’ancien ordre impérial dans un Japon dominé par le shogunat. Parmi eux, on retrouve par exemple des familles telles que les Konoe (近衛) ou les Takatsukasa (鷹司), dont certains membres furent anoblis ou devinrent daimyō dans des conditions spécifiques.
  • Karō (家老) : Les Karō occupent le rang le plus élevé parmi les vassaux d’un daimyō à l’époque d’Edo. Leur rôle est comparable à celui de ministres ou de conseillers principaux. Ils gèrent les affaires administratives, financières et judiciaires du domaine. Chaque daimyō nomme généralement plusieurs Karō, répartis entre le château principal (jōdai karō 城代家老), la résidence à Edo (Edo karō 江戸家老) et le domaine provincial (kunigarō 国家老). Certains domaines utilisent des termes alternatifs pour désigner ces postes, tels que bugyō (奉行) ou toshiyori (年寄). Leur autorité est telle qu’ils peuvent prendre des décisions en l’absence du daimyō. L’exemple le plus célèbre reste Ōishi Kuranosuke (大石内蔵助), Karō du domaine d’Akō (赤穂藩), qui dirige la vengeance des 47 rōnin après la mort de leur seigneur Asano Naganori (浅野長矩).
  • Shugo (守護) : Bien que le rôle des shugo se réduise à une fonction honorifique pendant cette période, certains seigneurs locaux continuent d’utiliser ce titre dans des provinces mineures.
  • Joshi (上士) : Les joshi sont des samurai de rang intermédiaire. Ils se trouvent entre les hatamoto et les gōshi ou heishi, qui sont des samurai de rang inférieur. Les joshi ont souvent des responsabilités administratives et militaires dans les provinces, et bien qu'ils ne soient pas aussi puissants que les hatamoto, ils jouissent d'un statut respectable.
  • Jizamurai (地侍) : Toujours présents, ces samurai de rang inférieur sont responsables de la gestion locale et de la protection des terres.
  • Gōshi (郷士) : Comme pendant la période Muromachi, les gōshi sont des samurai issus de familles modestes, souvent employés dans des fonctions subalternes ou dans les régions rurales.
  • Doshin (同心) : Les Doshin sont des samurai de bas rang servant de fonctionnaires dans les forces de police locales sous le bakufu d'Edo. Bien qu'ils soient issus de la classe des samurai, leur rôle est celui d'agents publics, souvent subordonnés à des sergents de police et impliqués dans la surveillance et le maintien de l'ordre local.

Période Meiji (1868-1912)

La Restauration Meiji marque la fin de l’ère des samurai, avec la modernisation rapide du Japon et l’abolition du système féodal. Pendant la transition vers la société moderne, certains samurai continuent de servir dans l'armée ou l'administration, mais leur rôle traditionnel disparaît.

Des samurai prenant la pose, vers les années 1860

Des samurai prenant la pose, vers les années 1860

LE DÉCLIN ET LA DISPARITION

Pour Pierre-François Souyri :

Le déclin des samouraïs est amorcé dès lors qu’une autre classe sociale émerge, une bourgeoisie urbaine et commerçante qui conteste l’hégémonie culturelle des samouraïs […] La plupart des samouraïs sont pauvres. Le développement économique de la société les paupérise. Ils sont coincés dans un statut très hiérarchisé : quand on est un fils de daimyô, on devient daimyô, mais quand on est un fils de samouraï pauvre, on devient samouraï pauvre.

Les samurai disparaissent au début de l’époque Meiji (1868-1912), lorsqu’ils perdent l’ensemble de leurs privilèges, dont le port du sabre (Haitōrei 廃刀令), et leurs revenus. C'est, pour moi, l'une des choses les mieux transcrites dans le film d'Edward Zwick avec Tom Cruise. Privés de leurs droits, certains se soumettent, tandis que d'autres se révoltent, comme lors de la Rébellion de Satsuma en 1877.

Une armée permanente est créée, ainsi qu'une force de police.

Samurai en armure (photo colorisée datant d'environ 1880)

Samurai en armure (photo colorisée datant d'environ 1880)

ET LE KATANA ?

Vous vous en doutez, au fil du temps, les armes des bushi ont évolué. Le guerrier de l’ère Heian est avant tout un cavalier utilisant l’arc. Les Bushi utilisent longtemps le tachi et le tantõ, puis les fameux katana (刀) et wakizashi qui, portés ensemble, formant le Dai-shō (大小).

Daishō (source : Wikipedia.org)
Daishō (source : Wikipedia.org)

La fin de la période Muromachi marque un tournant dans la qualité de ces sabres. Les katana sont au meilleur de leur fabrication, et sont appelés Shintō. La période Edo, elle, voit l’apparition des Shinshintō. Selon la plupart des écoles traditionnelles, seule l'une des deux lames doit être utilisée pour combattre. Cependant, Miyamoto Musashi favorise l'utilisation de la prise à une main qui permet de manier deux épées simultanément. Arme de taille et d'estoc, le katana passe pour l'une des épées les plus tranchantes qui soit. Suite à la ''chasse aux épées'' (Katanagari, 刀狩) ordonnée par Toyotomi Hideyoshi en 1588, le port du daishō est exclusivement réservé à la classe des guerriers.

Enfin, en 1876, il est interdit aux samurai de le porter.

Suite à la seconde Guerre mondiale, beaucoup de ces armes furent détruites ou emportées par des soldats américains. C'est pourquoi vous pouvez toujours en trouver hors du Japon, alors que celui-ci a grandement codifié la vente de ces biens culturels.

On peut également citer :

Le Nodachi (野太刀), un grand sabre peu maniable. D'ailleurs, les deux mains étaient nécessaires pour l’employer. Dans Les Sept Samouraïs, de Akira Kurosawa, Kikuchiyo porte ce type d'arme.
La Naginata (薙刀), une arme d'hast particulièrement appréciée des moines-guerriers et des Onna-bugeisha. À ne pas confondre avec la Yari (槍), une lance d'environ 2,5 mètres, voire 4 mètres, à hampe et lame droite
Le Tachi (太刀), un sabre de cavalerie, précurseur du katana, qui a accompagné les bushi durant des siècles.
Le Tantō (短刀), une dague.
Le Kogatana (小刀), un petit couteau, rangé dans le fourreau d'un Katana. Il pouvait être accompagné d'un Kogai, une petite lame à multiples usages, comme gratter les sabots du cheval ou servant d'épingle à cheveux.
Le Iaitō (居合刀), une arme d'entrainement utilisée dans l'étude du Iaidō et du Iaijutsu.
Le Bokken (木剣), un sabre en bois rigide. À la base, il s'agit d'une arme d'entrainement, mais Miyamoto Musashi remporta certains de ses duels les plus célèbres grâce à lui.

DES FEMMES SAMURAI
Tomoe Gozen illustrée par Kikuchi Yōsai (Wikipedia.org)
Tomoe Gozen (Wikipedia.org)

Certes, les femmes de bushi étaient des femmes au foyer, mais il existait une classe, les Onna-bugeisha (女武芸者), formées à l'utilisation des armes, dont la naginata, pour se défendre elles-mêmes, mais aussi leur foyer en temps de guerre.

À l'époque Edo, le statut de l'onna-bugeisha diminue significativement, vu que le pays est en paix.

L'une des plus connue reste Tomoe Gozen (巴 御前), ayant vécu entre 1157 et 1247. Elle combat auprès de son amant Minamoto no Yoshinaka, au cours de la Guerre de Genpei, et ses exploits sont relatés dans le Heike Monogatari.

QUELQUES TERMES EN LIEN AVEC LES SAMURAI

Shōgun (将軍)

Abréviation de Seii Taishōgun (征夷大将軍), que l’on peut traduire par "Grand général pacificateur des barbares", ce titre n’est, à l’origine, attribué que temporairement. Il sert principalement lors des expéditions militaires contre les peuples du nord du Japon. Pourtant, en 1192, lorsque Minamoto no Yoritomo (源頼朝) le reçoit, le titre prend une toute nouvelle signification : il désigne désormais le véritable chef militaire du pays, au moment où l’empereur perd peu à peu son pouvoir politique et devient le garant des traditions.

En dehors de Minamoto no Yoritomo, seuls Ashikaga Takauji (足利尊氏) et Tokugawa Ieyasu (徳川家康) – tous deux descendants de la lignée Minamoto – reçoivent officiellement ce titre de Shōgun (将軍), qu’ils transmettent ensuite à leur descendance de manière héréditaire. Lorsque Yoritomo meurt après une chute de cheval, deux de ses fils accèdent brièvement au titre, mais sont tous deux assassinés. Le pouvoir passe alors aux Shikken (執権), des régents issus du clan Hōjō (北条), dont sa femme Masako (政子) est originaire. Ce sont eux qui dirigent réellement le Japon jusqu’en 1333.

Le shogunat Ashikaga (足利幕府), installé à Kyōto (京都), s’étend de 1338 à 1573, en pleine période de guerres civiles. Puis, Tokugawa Ieyasu fonde son propre gouvernement militaire à Edo (江戸) en 1603. Son shogunat dure jusqu’à la restauration impériale de 1867, marquant la fin de l’ordre féodal au Japon.

Daimyō (大名)

Ce terme désigne les gouverneurs de provinces, successeurs des Shugo (守護) des périodes Kamakura et Muromachi. J'ai déjà consacré un petit article aux Daimyō, n'hésitez pas à le consulter.

Rōnin (浪人)

Miyamoto Musashi
Miyamoto Musashi

On peut facilement consacrer un article entier aux rōnin (浪人), ces guerriers sans maître qui fascinent autant qu’ils inquiètent. Le terme, que l’on traduit parfois par « homme-vague », existe déjà à l’époque de Nara (奈良時代). À l’origine, il désigne ceux qui quittent leur maître – qu’ils soient guerriers ou simples serfs. Progressivement, le mot s’applique plus spécifiquement aux bushi exclus de la société, que ce soit après la mort de leur seigneur, une faute grave ou une défaite sur le champ de bataille.

Face à cette rupture avec leur clan, certains choisissent de se donner la mort par seppuku (切腹), tandis que d’autres tentent de se reconvertir. Quelques-uns deviennent fermiers, d’autres prennent la voie du bouddhisme en devenant komusō (虚無僧), ces moines errants à la flûte de bambou qui vivent d’aumônes. Mais beaucoup tombent dans la misère et glissent vers le banditisme.

À l’époque d’Edo, le phénomène prend de l’ampleur. Dès le début du XVIIᵉ siècle, plus de 220 clans sont dissous ou considérablement affaiblis, laissant des milliers d’anciens samurai (侍) sans emploi. Le shogunat Tokugawa met en place un système rigide : un samurai ne peut plus changer de maître, se marier en dehors de son clan, ni exercer un autre métier sans l’accord de son ancien suzerain. Ces règles, destinées à maintenir l’ordre, créent en réalité une population instable et difficile à contrôler.

Des mesures de plus en plus strictes sont prises. Un rōnin renvoyé de son clan ou parti de son plein gré ne peut plus y être réintégré. Un rōnin ayant commis un crime devient définitivement inemployable. Ces hommes finissent donc par constituer un problème social majeur.

Certains rejoignent les combats. On les retrouve au siège d’Ōsaka (大坂の陣) ou dans la répression de la révolte chrétienne de Shimabara (島原の乱). C’est finalement sous Tokugawa Ietsuna (徳川家綱), shōgun entre 1651 et 1680, que la situation évolue : les autorités relâchent la pression et autorisent certaines réintégrations. Ces nouvelles mesures visent surtout à réduire leur nombre et à réabsorber cette main-d’œuvre instable dans l’ordre établi.

Bushidō (武士道)

La Voie du guerrier ne concerne pas vraiment les bushi (武士)… mais bien les samurai (侍). Contrairement aux idées reçues, même si certains principes fondamentaux circulent bien avant, le Bushidō (武士道), tel qu’on le connaît, n’apparaît qu’à la période d’Edo (江戸時代), sous l’influence grandissante du néo-confucianisme.

Longtemps, les bushi suivent plutôt le kyūba no michi (弓馬の道), la Voie de l’Arc et du Cheval, un ensemble de règles non écrites, issues de la tradition militaire et des usages de cour. Précurseur du Bushidō, ce code ancien n’en est pourtant pas l’équivalent. Il valorise principalement l’habileté martiale, le service au seigneur et la loyauté personnelle, sans fondement philosophique structuré.

Ce n’est qu’à l’époque d’Edo que les sept vertus confucéennes s’imposent : droiture (gi 義), courage (yū 勇), bienveillance (jin 仁), politesse (rei 礼), sincérité (makoto 誠), honneur (meiyo 名誉) et loyauté (chūgi 忠義). Ces valeurs définissent les devoirs moraux du samurai, et toute déviation mène au déshonneur — voire à la perte de statut.

Deux grands textes fixent les repères de cette morale codifiée. Le Bushidō de Yamaga Sokō (山鹿素行) établit les principes moraux entre un samurai et son maître. Le Hagakure (葉隠), rédigé par Yamamoto Tsunetomo (山本常朝), s’impose quant à lui comme un recueil de maximes guidant les actes du samurai au quotidien, dans un Japon où l’épée est devenue plus symbole que nécessité.

Kabuki-mono (傾奇者)

Apparu à la fin de l’époque Sengoku (戦国時代) et au début de l’époque d’Edo (江戸時代) ce terme désigne des samurai déclassés ou marginaux qui refusent de se soumettre aux nouvelles règles imposées par la paix de Tokugawa Ieyasu (徳川家康).

Souvent anciens vassaux de daimyō tombés en disgrâce, ces hommes n’ont plus de maître et vivent en dehors du cadre strict de la hiérarchie guerrière. Dans les rues d’Edo, de Kyōto ou d’Ōsaka, ils portent des vêtements extravagants, des sabres décorés, des coiffures asymétriques et provoquent par leur comportement. Leurs actions défient les normes établies, qu’il s’agisse de duels, de provocations ou de démonstrations de force.

Le kabuki-mono incarne une rupture avec l’ordre nouveau. Là où le shogunat veut imposer stabilité et obéissance, lui revendique l’audace, l’excès, le panache. Certains rejoignent des bandes organisées, d’autres restent solitaires, mais tous refusent l’effacement de leur identité guerrière.

Le pouvoir ne tarde pas à réagir. Dès les premières décennies du XVIIe siècle, le bakufu interdit leurs tenues, leurs coupes de cheveux et surveille leurs déplacements. Petit à petit, le phénomène s’éteint, mais il laisse une trace durable.

On dit souvent que les kabuki-mono ont influencé la naissance du théâtre kabuki (歌舞伎), fondé par Okuni (出雲阿国). Leur manière de “kabuku” (傾く), c’est-à-dire de se démarquer, devenant un acte artistique.

Machi-yakko (町奴)

Les machi-yakko apparaissent surtout à Edo. Ils forment des bandes organisées composées de rōnin, d’artisans ou de jeunes hommes issus des classes populaires. Leurs adversaires les plus fréquents sont les kabuki-mono et les hatamoto-yakko (旗本奴), des hommes liés aux hatamoto, les vassaux directs du Shōgun, souvent arrogants et prompts à l’intimidation. En réponse, les machi-yakko deviennent des sortes de milices urbaines d’autodéfense.

Contrairement à leurs ennemis, ils se donnent une image de retenue et d’honneur. Ils évitent les excès des kabuki-mono, tout en cultivant un certain style, sobre mais distinctif. Leur objectif n’est pas de provoquer, mais de protéger : ils interviennent lors de conflits, soutiennent les commerçants ou les habitants maltraités, et essaient de maintenir une forme de justice là où l’ordre samurai ne suffit plus.

Dans les chansons, les pièces de kabuki ou les légendes populaires, les machi-yakko deviennent des héros. On les célèbre pour leur bravoure, leur générosité et leur rôle de gardiens du peuple. Des figures comme Banzuiin Chōbei (幡随院長兵衛) restent célèbres pour leur action en faveur des plus faibles. Mais la réalité est parfois plus ambiguë : certains machi-yakko finissent par abuser de leur influence ou basculent dans des pratiques de type mafieux. Ils seraient ainsi l’un des ancêtres culturels des premiers groupes de Yakuza (ヤクザ), bien que leur rôle originel soit fondamentalement protecteur.

Aujourd’hui encore, le machi-yakko incarne l’idéal du héros populaire japonais : humble, courageux et prêt à affronter l’ordre établi pour défendre les siens.

Sōhei (僧兵)

Les "moines-guerriers" qui jouent à la fois un rôle religieux et militaire. Ils sont souvent affiliés aux écoles bouddhistes comme le Hossō, le Tendai et le Shingon, et assurent la défense de leurs temples. Leur implication dans les affaires militaires devient particulièrement marquée pendant la période Sengoku, une époque marquée par l'instabilité et les guerres entre Daimyō.

Les sōhei forment des groupes bien organisés, souvent armés de naginata, voire de katana, et sont entraînés à la guerre. Ils sont parfois composés de milliers de moines-guerriers. Leur engagement militaire est souvent motivé par la protection de leurs temples, mais aussi par des ambitions politiques et territoriales. Ils s'allient parfois avec des daimyō, mais peuvent aussi se rebeller contre leur autorité, ce qui en fait des acteurs importants dans les conflits locaux.

Un exemple notable est celui du monastère Enryaku-ji, situé sur le mont Hiei près de Kyōto. Les moines de ce monastère sont parmi les plus connus, et en 1571, ils entrent en rébellion contre Oda Nobunaga, qui attaque et détruit leur complexe en réponse à leur défiance. Cette destruction marque la fin de l'influence militaire des moines-guerriers dans le Japon féodal.

Au fil du temps, après l'unification du Japon sous Tokugawa Ieyasu, l'influence militaire des sōhei diminue. Les moines-guerriers sont progressivement évincés du champ militaire, et les temples bouddhistes perdent leur rôle dans les affaires politiques et militaires.

Ikko-ikki (一向一揆) 

Ce sont des révoltes populaires qui se produisent au Japon entre le XVe et le XVIe siècle. Ces mouvements sont principalement dirigés par des paysans et des moines bouddhistes de l’école Jōdo Shinshū, une branche du bouddhisme qui prône l’accessibilité à la foi pour toutes les couches de la société. Ils se forment autour des monastères bouddhistes, comme Ishiyama Hongan-ji, et luttent contre les daimyō locaux et les autorités qui cherchent à exercer un contrôle sur leur communauté et à restreindre leur liberté religieuse. L’objectif principal des Ikko-ikki est de défendre la foi bouddhiste contre les abus de pouvoir des seigneurs féodaux et de maintenir l'autonomie des communautés.

Les révoltes prennent souvent la forme de soulèvements violents, les Ikko-ikki se battant pour leurs droits à la terre, à la liberté religieuse et contre l’exploitation des paysans. L’un des plus célèbres soulèvements a lieu à Ōmi en 1536, où les moines et paysans du Ishiyama Hongan-ji résistent avec force aux armées de Oda Nobunaga. Les Ikko-ikki réussissent à repousser plusieurs tentatives d’attaque, prouvant leur capacité militaire. Cependant, après plusieurs années de résistance, en 1580, Oda Nobunaga parvient finalement à détruire le monastère et à écraser la révolte, mettant ainsi fin à l’influence militaire des Ikko-ikki.

Les Ikko-ikki jouent un rôle significatif dans l’histoire du Japon, symbolisant la lutte contre l’oppression féodale et les inégalités sociales. Bien que leur révolte soit écrasée, ils ont contribué à l’unification du Japon sous l’autorité des grands seigneurs et à la consolidation du pouvoir du shogunat Tokugawa.

Ashigaru (足軽)

Les ashigaru ne font aucunement partie de la classe des bushi, mais leur rôle au sein de l’armée reste absolument central. Unités d’infanterie de base du Japon féodal, ils proviennent à l’origine de la paysannerie, enrôlés souvent de force ou par nécessité. Leur nom, qui signifie littéralement “pied léger”, évoque le peu d’armure qu’ils portent au départ. À la période Sengoku (戦国時代), leur statut évolue. Ils deviennent de véritables soldats d’infanterie, disciplinés, formés, et surtout équipés de l’arquebuse (tanegashima 種子島). Leur efficacité s’illustre notamment lors de la bataille de Nagashino (長篠の戦い) en 1575, où les ashigaru d’Oda Nobunaga (織田信長) déciment la célèbre cavalerie de Takeda Katsuyori (武田勝頼), fils de Takeda Shingen (武田信玄), grâce à une stratégie de tirs coordonnés derrière des palissades.

Shinobi (忍び)

J’y consacrerai sans doute un article complet un jour, tant les shinobi, plus connus en Occident sous le nom de ninja (忍者), fascinent. Experts en infiltration, sabotage, espionnage, assassinat ou encore guérilla, ils évoluent dans l’ombre, au service de seigneurs en quête d’informations ou de coups d’éclat discrets. Durant la période Sengoku, Tokugawa Ieyasu (徳川家康) et Toyotomi Hideyoshi (豊臣秀吉) s’en servent abondamment. En revanche, Oda Nobunaga (織田信長) mène une campagne sanglante contre la province d’Iga (伊賀国), bastion des shinobi avec celle de Kōga (甲賀), entre 1579 et 1581. Prétextant une insubordination chronique, il envoie ses armées écraser les clans locaux. 

La culture des shinobi survit néanmoins, même si leur réalité historique diffère largement de l’imagerie populaire actuelle.

QUELQUES NOMS DE BUSHI CÉLÈBRES

Hormis Oda Nobunaga, Toyotomi Hideyoshi et Tokugawa Ieyasu qui ont fondamentalement changé le visage du Japon, beaucoup de bushi ont, à travers les siècles, marqué le pays. J'ai, hélas, dû faire des choix et cette liste de cinq noms ne reflétera certainement pas votre propre ''classement'', et, surtout, n'enlève rien à la valeur des guerriers non cités.

Tokugawa Ieyasu

Tokugawa Ieyasu

Minamoto No Yoshitsune

Jeune général de l’armée des Minamoto, Yoshitsune est le demi-frère de Minamoto no Yoritomo. Élevé par des moines-soldats, il se fait rapidement remarquer par ses talents de guerrier et monte vite en grade pour devenir général de l'armée Minamoto. Ses actes de bravoure sont légions, notamment lors des batailles de Ichi no Tani et de Dan no Ura (1185). Malheureusement, son aura est telle que son demi-frère voit en lui un potentiel ennemi... Poursuivi par les troupes du Shōgun et trahi par ses propres amis, il se fait seppuku, assisté par son fidèle compagnon, le moine Benkei.

Yoshitsune et Benkei regardant des fleurs de cerisier, par Yoshitoshi Tsukioka - 1885

Yoshitsune et Benkei regardant des fleurs de cerisier, par Yoshitoshi Tsukioka - 1885

Date Masamune

Le Daimyō de Sendai est fin politique et stratège, mais il est aussi cruel et dirige son clan d'une main de fer. Il participa à sa première campagne à 14 ans et prend la tête du clan à 18, non sans avoir dû tuer son frère cadet quelques années plus tôt, suite aux intrigues de sa mère pour le spolier de ses droits. Il commence par agrandir son domaine aux dépends du clan Aizu, confisque leur château en 1589 et l'offre à Toyotomi Hideyoshi, qu'il suit ensuite dans ses campagnes d’invasion de la Corée en 1592 et 1597. Il assiste Tokugawa Ieyasu à la bataille de Sekigahara, s’assurant ainsi un vaste domaine et un confortable revenu de plus de 60000 koku (3). Bienveillant envers la communauté chrétienne, il envoie, en 1613, la première délégation japonaise en Europe, mais, au final, l’interdiction de cette religion par le shogunat Tokugawa, l’amènera, par allégeance, à pourchasser lui-même les chrétiens.

Takeda Shingen

Génie militaire, Takeda Shingen, né sous le nom de Takeda Katsuchiyo, est l'un des principaux Daimyō du Sengoku Jidai. Descendant d’une très longue lignée de Shugo depuis l’époque Kamakura, sa vie fut une succession de batailles. Son premier grand ennemi est Uesugi Kenshin, un autre grand nom de cette époque, qu’il finit par vaincre après onze années de combat acharnés. Il est également connu pour ses alliances et oppositions répétées à Oda Nobunaga, Tokugawa Ieyasu, Imagawa Yoshimoto et le clan des Hōjō. Le film d’Akira Kurosawa, Kagemusha, retrace l’épopée finale du clan Takeda, et il est l'un des protagonistes du roman de Inoue Yasushi, Le sabre des Takeda, retraçant, de façon romancée, la vie de Yamamoto Kansuke, le chef stratège des 24 généraux de Takeda Shingen.

Miyamoto Musashi

On ne présente plus Miyamoto Musashi, épéiste, mais aussi calligraphe, peintre, philosophe. Impossible de réduire sa vie en quelques lignes... L'auteur du fameux Gorin-no-sho (五輪書) n'a jamais perdu un duel, que ce soit contre les maîtres de l'école d'escrime Yoshioka, à Kyōto, ou contre Sasaki Kojirō, qu'il vainquit sur l'île de Funa... avec une rame taillée... Rōnin, il finit par fonder son école et créa un style à deux sabres, choses inconcevable à l'époque... Toutefois, une partie de la vie du sabreur est un savoureux mélange entre la réalité et la légende et il est difficile de séparer le mythe de l'homme. Il est le principal personnage du roman Miyamoto Musashi (traduit en deux tomes : La Pierre et le sabre et La Parfaite lumière) de Yoshikawa Eiji. N'hésitez pas à lire cet article, si vous désirez en savoir plus sur le plus célèbre escrimeur du Japon.

Takamori Saigō

Conté réalisé par Edoardo Chiossone
Conté réalisé par Edoardo Chiossone

Celui qu'on surnomme Le dernier samurai a inspiré les scénaristes du film de Edward Zwick, pour le rôle joué par Watanabe Ken. C'est certainement l'une des figures historiques japonaises les plus emblématiques. Lors de la guerre de Boshin, il mène les troupes impériales, et devient l'un des fervents meneurs de la Restauration de Meiji. Occupant un poste important au sein du nouveau gouvernement, Saigō comprend rapidement que la modernisation du Japon est inéluctable, et que les jours de la classe des samurai sont comptés. Il finit par démissionner de ses fonctions, retourne dans sa province d'origine, Satsuma, et fonde une école militaire pour former les jeunes guerriers de la région... ce que le gouvernement voit d’un très mauvais œil... Celui-ci finira par tenter de l'assassiner, ce qui mettra le feu aux poudres. Le 24 septembre 1877, Takamori Saigō ordonne à ses troupes de se battre jusqu’à la mort. Les rebelles livrent bataille aux forces gouvernementales dans différents endroits, avant d’être encerclés, puis vaincus, sur le mont Shiroyama. Blessé, il se donne la mort par seppuku. Il a 49 ans. L'une des statues les plus célèbres le représentant se trouve dans le parc d'Ueno.

Des étrangers méritent toutefois leur nom dans cette liste

William Adams (1564-1620) était un navigateur anglais devenu samurai sous Tokugawa Ieyasu, alors encore Daimyō. Celui-ci le prend en affection, et fait de lui un diplomate et conseiller commercial. Adams finit par devenir son conseiller personnel sur les questions occidentales, et remplace même le Jésuite João Rodrigues en tant qu'interprète officiel. Il a servi de modèle pour le personnage principal du jeu vidéo Nioh, sorti en 2017 sur PS4.

Jules Brunet à Ezo en 1869
Jules Brunet à Ezo en 1869

Beaucoup de mystères entourent la vie de Yasuke. Né sur l’île de Mozambique dans les années 1530 ou 1540, l’homme arrive au Japon en tant qu’esclave en 1579. Chargé de servir et assurer la protection du jésuite Alessandro Valignano, il suscite tout de suite l’intérêt des japonais. Oda Nobunaga va même jusqu'à lui faire prendre un bain, croyant qu'il est peint... Au final, le puissant Daimyō demande à Valignano, qui doit quitter le Japon, de laisser son serviteur derrière lui. Vite libéré et élevé au rang de samurai, Yasuke devient l’un des gardes du corps de Nobunaga, ayant le droit de porter les deux sabres, le Seigneur allant même jusqu'à lui confier sa propre lance... Outre un projet de film américain..., Thierry Gloris et Emiliano Zarcone se sont associés pour adapter sa vie en bande dessinée. Le premier tome de Kurusan, le samouraï noir, est sorti en 2021.

Enfin, Jules Brunet, officier français, polytechnicien décoré de la croix de la Légion d'honneur, sert, au nom de la France, le shogunat Tokugawa lors du conflit l'opposant au futur Empereur Meiji. La France adoptant une position de neutralité en 1868, la mission est rappelée.

Mais le capitaine Brunet choisit de rester au Japon pour se battre. Après la défaite du Shōgun, Jules Brunet et quelques militaires restés à ses côtés rentrent en France. Suspendu, il reprendra du service en 1870 et terminera sa carrière au grade de Général.

POUR TERMINER, JE VOUS CONSEILLE QUELQUES OUVRAGES

On ne peut passer à côté de Stephen Turnbull et Pierre-François Souyri, les deux spécialistes actuels de l'Histoire japonaise. Le premier n'a vu que peu de ses livres traduits en français, donc je vous conseille Les Samouraïs, sorti en novembre 2019 chez Les Éditions de Grenelle. Pierre-François Souyri a écrit de nombreux livres sur le sujet, si vous ne de n'en choisir qu'un, je vous conseillerais Samouraï 1000 ans d'histoire du Japon, chez Presses Universitaires de Rennes. Je l'ai, il est de très bonne facture. La vie quotidienne au Japon à l'époque des samouraï (1185-1603) de Louis Frédéric est introuvable en neuf, mais vaut le coup si vous le trouvez pas trop cher. Pour finir, Sekigahara la plus grande bataille de samourais de Jérémie Peltier chez Passes Composes, est bien conçu et complet

Budo Éditions a une jolie collection où vous pourrez retrouver le Hagakure de Yamamoto Tsunetomo, dont j'ai parlé dans l'article sur le seppuku et plus haut, Bushido, le code du samourai de Nitobe Inazō et, autre livre majeur pour comprendre ces guerriers, le fameux Livre des cinq roues de Miyamoto Musashi.

En parlant de Miyamoto Musashi, je vous conseille la biographie Miyamoto Musashi maître de sabre japonais du XVIIème siècle de Tokitsu Kenji, bien meilleure que celle de William Scott Wilson. Et puisqu'on évoque des guerriers célèbres, n'oublions les livres de Charles-Pierre Serain sur les unificateurs du Japon, chez Centon Éditions : Oda Nobunaga et Toyotomi Hideyoshi sont déjà parus. Le troisième, consacré à Tokugawa Ieyasu, devrait sortir sous peu.

Je pourrais également citer Les 47 rônins : Le trésor des loyaux samouraïs de George Soulié de Morant chez Budo Éditions ; pas toujours simple d'accès, Le Dit des Heiké, Le Dit de Hōgen et Le Dit de Heiji chez Verdier Éditions, vous permettra d'en savoir plus sur la guerre entre les Taiga et les Minamoto ; Histoires De Samouraïs - Récits De Temps Héroïques de Roland Habersetzer chez Budo Éditions, regroupe des histoires de bushi célèbres ; et, pour finir, l'excellent livre de Ivan Morris, La noblesse de l’échec, où vous pourrez découvrir ''la vie tragique de neuf personnages authentiques qui tous se dressèrent contre des forces supérieures aux leurs, et finirent par succomber malgré les ressources immenses de leur courage et de leur volonté ''. (Source : Gallimard).

NOTES

(1) Les Ainu constituent une population aborigène vivant dans le Nord du Japon et à l'extrême Est de la Russie. Ils sont pour la première fois mentionnés par les Japonais dans le Kojiki, en 712. Différentes ethnies habitaient le Japon, on peut citer les Aïnous du Tōhoku et ceux d'Hokkaidō. Malheureusement, le peuple Aïnou semble en voie de disparition. On compte actuellement entre 25 000 et 200 000 membres, même si aucun recensement exact n'a été fait. Je vous conseille Golden Kamui (ゴールデンカムイ), un seinen manga de Satoru Noda, où vous pourrez en apprendre plus sur les us et coutumes des Aïnous, mais aussi sur la guerre russo-japonaise de 1904-1905.

Ainu en 1904
Ainu en 1904

(2) Terme utilisé par les Japonais de la période Nara et du début de la période Heian pour désigner les populations indigènes du Tōhoku qui refusaient de se plier à l'autorité de l'Empereur du Japon, dont les Ainu. D'ailleurs, le titre de Seii Taishōgun était, à la base, attribué au général chargé de mater les Emishis.
(3) Le koku (石) est une unité de mesure traditionnelle de volume qui représente la quantité de riz mangée par une personne en un an. Un koku de riz pèse environ 150 kg, pour 278,3 litres. Le kokudaka (石高) équivaut au revenu de chaque fief en koku, ceci fixant ni plus ni moins l'ordre protocolaire à la cour shōgunale.
(4) Les premiers fusils occidentaux ont été introduits par les Portugais en 1543, année où un bateau portugais, faisant le trajet de Chine à Okinawa, a accosté sur l'île de Tanegashima, qui donna son nom à ces armes. Les Japonais ont très vite copié ces fusils et les ont produits en grande quantité, mais ce fut pendant le Sengoku Jidai que ces armes furent le plus utilisées. Lors de la période Edo, la prolifération des armes à feu devint étroitement contrôlée, menant même à leur abandon quasi total.

Un fusil Tanegashima (Fracademic.com)
Un fusil Tanegashima (Fracademic.com)

 

SOURCES

Wikipedia.org , Samourais.fr , Franceculture.fr , Kotoba.fr, Lemonde.fr, Gotokyo.org, Japanese-wiki-corpus.github.io, Samuraihistoryculture.substack.com

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