Cet article se voulait être le premier d'une série de 16... commencée en août 2024. J'avoue n'avoir écrit que deux articles à ce jour. Le manque de temps n'est pas le seul fautif, étant trop exigeant peut-être, je ne cesse de les remanier...

J'ai tout de même décidé de vous partager les deux premiers articles, car cela me poussera peut-être à continuer et à commencer celui sur la période Yamato (大和時代)

AVANT-PROPOS À LA SÉRIE D'ARTICLES

Il n’est pas évident de résumer l’histoire du Japon en ‘’quelques’’ lignes, toutefois ces articles n’ont pas vocation à être complet. Il s'agit avant tout d'un outil qui vous permettra d’en savoir plus sur l’histoire plurimillénaire de l’archipel, et qui vous donnera peut-être envie d'aller plus loin. Il sera divisé en ères, allant du paléolithique à la période actuelle, et chacune d’entre-elle sera jalonnée de dates que je considère comme décisives... ou pas. Je vais, bien entendu, devoir faire des choix et ceux-ci ne reflèteront peut-être pas les vôtres. Comme d’habitude, vous trouverez les sources en bas de chaque article.  

Bonne lecture ! 

Pour ce premier article, j'ai décidé de rassembler deux périodes, vu que la partie sur le Paléolithique s'avère ''moins'' longue... Comme d'habitude, c'est un euphémisme chez moi, merci aux courageux qui les lisent jusqu’au bout. ''Le mieux est l'ennemi du bien'', me direz-vous, mais on ne se refait pas.

40 000 AEC à 13 000 AEC - Paléolithique (旧石器時代) (1) (2)

Le Japon est, actuellement, un archipel fort de 14 125 îles, selon la dernière étude réalisée en 2023, un chiffre deux fois supérieur à celui de 1987. Selon le site Nippon.com, ce nouveau résultat a été rendu possible grâce à une carte numérique d’une échelle de 1/25 000 et aux nouvelles technologies de surveillance et de photographie spatiales. La superficie du pays n’a cependant pas été modifiée, ces îles et îlots étant déjà comptabilisés comme appartenant au Japon.  

Il n’en a pas toujours été ainsi. Entre ères glacières et activité volcanique intense, la géographie nippone a énormément évolué au fil des millénaires. Ce qui a vraisemblablement permis la colonisation de l’archipel.

En 1985, dans Japon l'empire éternel, Louis Frédéric, indianiste et certainement l’un des plus grands spécialistes de l’Asie du sud-est qu’ait connu la France, écrit : ‘’Les géologues s'accordent en général pour affirmer que pendant le début du quaternaire, les îles formant actuelle­ment le Japon étaient reliées au continent et probablement à un moment donné aux îles Ryükyü, aux Philippines, à Formose et à Java. Les mouvements de l'écorce terrestre de cette partie du monde, l'une des plus géologiquement instable qui soit, ont à plusieurs reprises provoqué des affaissements et des soulève­ments de terrain, la mer découvrant et recouvrant périodique­ment de grandes étendues. Les mouvements de la mer, influencés par les glaciations et interglaciations successives qui eurent lieu pendant l'époque quaternaire (la dernière récession commença il y a 12 000 ans en Europe du Nord et peut-être un peu plus tôt dans la partie nord-est de l'Asie) accentuèrent encore les modifications géographiques qui eurent lieu à la suite des derniers affaisse­ments.’’

Domaine périglaciaire, vers 20 000 AEC.
Domaine périglaciaire, vers 20 000 AEC.

L’arrivée humaine sur l’archipel est, comme souvent, sujette à caution et se situerait vers 40 000 AEC / 30 000 AEC selon les sources. Le Paléolithique japonais, parfois qualifié de ‘’pré-céramique ‘’, voit l’apparition d’objets lithiques, c’est-à-dire d’objets en pierre taillée, telles des haches ou des couteaux. Toujours dans Japon l'empire éternel, Louis Frédéric explique : ‘’Le premier peuplement du Japon eut donc vraisemblablement lieu à un moment où cette région était encore reliée au continent. On a retrouvé en effet, bien qu'en petit nombre jusqu'à mainte­nant, des outils de pierre taillée dans des couches de terrain inférieures à celles contenant de la poterie. Ces pierres taillées, dont on ignore encore l'âge, ont été qualifiées d'industrie précé­ramique. Elles indiquent pour la plupart un degré de culture et des techniques analogues à celles que l'on est convenu d'étiqueter Paléolithique récent ou tout au moins Mésolithique. À lwajuku, dans le Kantō, on a pu repérer trois niveaux différents contenant des pierres taillées, le supérieur étant nettement microlithique (Iwajuku III).’’.

Lames d'obsidienne (microlithes), 13 000  / 12 000 AEC, Proto-Jōmon ou premiers temps de la période Jōmon (Site : Shirohebiyama-Iwakage à Imari).
Lames d'obsidienne (microlithes), 13 000 / 12 000 AEC, Proto-Jōmon ou premiers temps de la période Jōmon (Site : Shirohebiyama-Iwakage à Imari).

Sur le site d'Iwajuku (岩宿遺跡), donc, situé à Midori, dans la préfecture de Gunma, qui se trouve être le premier site paléolithique découvert au Japon, en 1947, les fouilleurs ont trouvé, au niveau de la couche appelée ‘’Iwajuku I’’ - à 1,3 mètres de profondeur correspondant à environ 25 000 ans - 29 outils en chert (3), dont deux axes de pierre polis, deux couteaux en pierre, un grattoir en pierre et un coin de pierre pour la séparation des os. ‘’Iwajuku II’’ - datant d'il y a environ 18 000 ans (80 centimètres) – renfermait pas moins de 180 outils en pierre avec des matériaux, dont le chert, l'obsidienne, l'andésite, le schiste, les cornéennes et l'agate...

Iwajuku, site A
Iwajuku, site A

Si cela vous intéresse et que vous avez l’occasion d’aller dans la région, un musée a été construit près des ruines. Certains objets sont également exposés au musée de l'Université de Meiji à Tōkyō (ces objets ont été désignés comme Biens culturels importants en 1975).

D’autres fouilles, comme dans la préfecture de Kagoshima, ont permis de mettre au jour des stylets, des pointes de flèche, des poteries, ainsi que des cuves pour la conservation des fruits de la cueillette, qui dateraient de la seconde moitié du paléolithique et qui préfigurent les caractéristiques de la période Jōmon.

Dans un podcast pour Radio France, Laurent Nespoulous, archéologue, chargé de la direction du département d'études japonaises à l’INALCO, indique : "On a un habitat sédentaire assez tôt, au Japon et l'on est à peu près certain qu'au début de l'Holocène, on a des sociétés qui sont très fixées. Cette sédentarité va donner lieu à des constructions de type semi enterrées. Donc, les murs, c'est un trou dans le sol et on a une charpente qui tient une toiture. Les archéologues sont très contents parce que, du coup, ça laisse des traces dans le sol.".

Mais d’où viennent ces premiers Japonais ?

Plusieurs sources s’accordent sur le fait que des populations venues à la fois de Sibérie, via la Corée, et de Chine, voire d'Asie du Sud-Est, se soient, dès cette période, retrouvées sur les îles de l'archipel. Dès les premières pages de son livre Nouvelle histoire du Japon, Jean-François Souyri, spécialiste français de l'Histoire du Japon, rappelle que cette recherche du ‘’premier Japonais’’ n’est pas nouvelle : ‘’Dès l'époque d'Edo, des savants s'interrogent sur l'origine des ‘’premiers Japonais’’. Arai Hakuseki (1657-1725), l'un des lettrés néoconfucianistes les plus fameux au début du XVIIIe siècle, a, le premier semble-t-il, l'idée que les anciens habitants de l'archipel ne seraient pas les ancêtres des Japonais, mais que ces derniers seraient les descendants d'envahisseur venus de Chine du Nord. ‘’.

13 000 AEC à 300 AEC - Période Jōmon (縄文時代)

Dénommée selon un type de décor par impression de cordelette, la période Jōmon couvre une époque, peu après la fin de l'ère glaciaire, où les chasseurs-cueilleurs de l’archipel se fixent progressivement dans des villages aux maisons semi-enterrées. De nombreux objets datant de cette période témoignent d'un savoir-faire particulièrement raffiné, même pour des ustensiles du quotidien. Des vestiges attestent que leur régime alimentaire est composé, entre autres, d'ours, de sangliers, de poissons, de crustacés, d'ignames, de raisins sauvages, de noix, de châtaignes, de glands... Leur culture, de type mésolithique, serait l'une des premières au monde à connaître et pratiquer la poterie.

Dogū excavé sur le site de Kamegaoka.
Dogū excavé sur le site de Kamegaoka.

De nombreux objets, dont les Dogū (土偶), des statues humanoïdes caractéristiques de la céramique Jōmon (縄文式土器), ont été recensés. En 2020, Yamada Yasuhiro, professeur au Musée national d’histoire du Japon, spécialiste des tombes et des structures sociales de la préhistoire, explique sur le site Nippon.com : ‘’Les figurines Dogū sont particulièrement évocatrices de cette façon de penser propre à la période Jōmon. Dès leur apparition, elles représentaient des femmes, et de plus en plus par la suite des mères en état de grossesse avancée. On pense qu’elles avaient une fonction magique et servaient à invoquer la force vitale des femmes lors de prières pour la guérison des blessures et des maladies, ainsi que pour l’amélioration de la fertilité de la terre.’’.

De son côté, toujours dans Nouvelle histoire du Japon, Jean-François Souyri note : ‘’C'est vers -12 000 ou -11 000 qu'apparaissent les premières traces de poterie (les dernières découvertes avancent des dates plus reculées encore). Les plus anciennes ont été découvertes près de Nagasaki. Les archéologues ont nommé ces poteries primitives poteries de type ryûsenmon, à motifs riches en lignes. En un millénaire ou deux, des poteries de ce type se répandent un peu partout dans l'archipel, jusque dans le Tôhoku. Jusqu'à peu, on pensait qu'il s'agissait là des plus anciennes poteries fabriquées par l'homme, mais on a récem­ment retrouvé dans le bassin de l'Amour en Sibérie orientale des poteries légèrement plus anciennes, rares et très grossières, celles de la culture dite d'Osipovka dans la vallée inférieure de l'Amour (entre -14 000 et -11 000). D'autres poteries très anciennes (vers -9 500) ont été retrouvées dans les régions sud­-sud-est du lac Baikal (culture d’Ust-Karenga).’’

La période Jōmon se décompose comme suit :  

#1 Le Jōmon précoce ou proto-Jōmon (草創期), allant, environ, de 13 000 AEC à 9 500 AEC, voit l’apparition des premiers villages primaires, mais les habitants semblent vivre principalement de la chasse, de la pêche et de la cueillette. Divers outils de pierre sont utilisés, notamment les pointes de flèche, et on trouve trace des premiers Dogū.  

Les fouilles de 1998 à Odai Yamamoto site I (大平山元I遺跡), dans la préfecture d'Aomori, ont permis de trouver 46 tessons de poterie.

Tessons de céramique découverts sur le site.
Tessons de céramique découverts sur le site.

#2 Le Jōmon Archaïque (早期 ), de 9 500 AEC à 5 000 AEC, voit l’apparition d’habitats ‘’en dur’’.  La chasse aux sangliers et aux cerfs, mais également les glands, les noix... font partie de la nourriture quotidienne.  

Le site de Kakinoshima (垣ノ島遺跡), sur l'île d'Hokkaidō, découvert lors de levés d'arpentage en 2000, a permis aux archéologues de mettre au jour une communauté vivant dans des maisons, plus ou moins grandes, et un lieu d'inhumation pour les occupants de ladite communauté. Les artefacts trouvés comprennent des tablettes avec des empreintes dans une fosse funéraire, un morceau de bijou de jade, et de laque rouge qui se trouve parmi les plus anciennes pièces de laque connues dans le monde.

Un récipient à bec laqué rouge de la période Jōmon semblable aux artefacts trouvés sur le site de Kakinoshima.
Un récipient à bec laqué rouge de la période Jōmon semblable aux artefacts trouvés sur le site de Kakinoshima.

#3 Pendant le Jōmon Ancien (前期), de 5 000 AEC à 3 500 AEC, les villages se développent, l'agriculture primitive sur brûlis se développe également, avec la culture du haricot rouge et des cucurbitacées.

Le site de Tagoyano (田小屋野貝塚), dans la préfecture d'Aomori, a permis de dévoiler un village, situé sur la terrasse au nord du site funéraire de Kamegaoka. Les archéologues y ont découvert des monticules de coquillages, des outils fabriqués à partir d'os de baleines et de dauphins, de nombreux bracelets, témoignant de la vie à l'intérieur de la baie.

Le site de Futatsumori (二ツ森貝塚), situé dans la ville de Shichinohe, dans l'est de la préfecture d'Aomori, contient également de nombreux vestiges d'habitations en fosse et de fosses de stockage, ains que des monticules de coquillages (palourdes japonaises, palourdes orientales...), des arêtes de poisson (bar japonais, daurade rouge, poisson-globe...), des os d'oiseaux (cygnes, canards...) et de mammifères (cerfs, sangliers...), ainsi que des objets en os et en bois, tels que des hameçons et des harpons. Parmi ces objets, un peigne en bois de cervidé d'une grande finesse témoigne d'un haut degré de spiritualité et d'artisanat pour l'époque.

Selon le site de l’UNESCO : ‘’Il s'agit d'un site archéologique important qui témoigne d'un mode de vie axé sur les lacs et les marais et de l'adaptation des populations aux changements environnementaux, tels que les transgressions et les régressions marines.’’

#4 Le Jōmon Moyen (中期), de 3 500 AEC à 2 500 AEC, voit l’apparition des vases du style ‘’flamboyant’’ (火焔型土器), leurs formes évoquant des flammes, dans l'Est du pays, dont l’usage est inconnu, et des magatama (曲玉), les pendentifs en forme de virgule.

Le Kaengatadoki (faïence en forme de flamme) désigne le type de faïence fabriqué dans diverses parties de l'archipel japonais qui représente le milieu de la période Jōmon.
Le Kaengatadoki (faïence en forme de flamme) désigne le type de faïence fabriqué dans diverses parties de l'archipel japonais qui représente le milieu de la période Jōmon.

Les travaux d’excavation sur le site de Sannai-Maruyama (三内丸山遺跡), situé dans la ville d'Aomori, et s’étendant sur 42 hectares, ont révélé de nombreux vestiges, y compris des habitations- plus de 800, de la poterie et des objets en pierre. Quatre types de constructions y sont distinguables : des habitations semi-enterrées, une grande demeure de plus de 30 mètres de long, des habitations sur pilotis et une tour de 6 pylônes.  

Reconstruction du site de Sannai-Maruyama dans la préfecture d'Aomori. Il partage des similitudes culturelles avec les colonies d'Asie du Nord-Est et de la péninsule coréenne, ainsi qu'avec la culture japonaise ultérieure.
Reconstruction du site de Sannai-Maruyama dans la préfecture d'Aomori. Il partage des similitudes culturelles avec les colonies d'Asie du Nord-Est et de la péninsule coréenne, ainsi qu'avec la culture japonaise ultérieure.

Le site de Goshono (御所野遺跡), dans la préfecture d'Iwate, comprend, outre des habitations, une nécropole et des bâtiments rituels. Des monticules de terre, situés à proximité, ont permis la découverte d’os d'animaux brûlés, de graines, d’éclats de poterie et des outils en pierre.

#5 Le Jōmon Récent ou Tardif (後期), de 2 500 AEC à 1 300 AEC, présente une caractéristique similaire à d’autres cultures beaucoup plus proches de nous, à savoir les cercles de pierre.  

Chaque cercle de pierres du site d’Oyu (大湯環状列石), dans la préfecture d’Akita, est entouré de vestiges de bâtiments soutenus par des piliers, de fosses de stockage, de tombes à fosse et d'autres éléments, tous disposés de manière concentrique. De nombreux outils rituels ont été mis au jour autour des cercles de pierres, notamment des figurines en argile, des tablettes en argile, des objets en argile en forme d'animaux et de cloches, des baguettes en pierre et des épées en pierre.

Le site d’Isedōtai (伊勢堂岱遺跡), dans la préfecture d'Akita, se compose, lui, de trois grands cercles de pierre situés sur un plateau artificiellement aplati. Plus de 100 fosses ont été trouvées, à l'intérieur et à l'extérieur des cercles de pierre. Elles contenaient des assiettes et des pots en terre cuite, de petits objets d'argile, ainsi que des outils de chasse et de pêche et des outils de tous les jours.

 Dogū en forme de plaque.
Dogū en forme de plaque.

Le site de Komakino (小牧野遺跡), dans la préfecture d’Aomori, présente également de grands cercles de pierre concentriques. Plus de 100 tombes à fosses de terre (à la fois des terriers et des tombes funéraires) contenant des cercueils de poterie et du mobilier funéraire, tels des figures animales en argile et en forme humaine, y ont été découverts.

#6 Le Jōmon Final (晩期), de 1 300 à 300 AEC, voit apparaitre la riziculture en terrain non-inondé, importée de Chine, via la Corée, ce qui va provoquer la première poussée démographique du Japon.

Le site d’Ōmori Katsuyama (大森勝山遺跡), dans la préfecture d’Aomori, présente, outre un cercle de pierre elliptique, long de près de 50 mètres, une grande habitation avec un foyer au centre. De la poterie, des objets en argile, des outils et objets en pierre (pointes de flèche, cuillères…) ont été mis au jour lors des fouilles.

Le site de Kamegaoka (亀ヶ岡石器時代遺跡), dans la même préfecture, contenait des maisons de fosse, un cimetière avec des monticules et des fosses contenant de nombreux objets de tombe, y compris de nombreux morceaux de poterie achevés et non, des figurines en argile, des objets en laque et des perles de jade, y compris des magatama. L'un des objets les plus célèbres trouvés est une grande figure d'argile, de type Dogū, découverte en 1887.

En juillet 2021, les sites préhistoriques Jōmon du nord du Japon, situés à Aomori (8), Iwate (1), Akita (2) et Hokkaidō (6), ont été inscrits au patrimoine mondial de l'UNESCO.

Dogū (préfecture de Miyagi). Jōmon Final, Musée national de Tokyo.
Dogū (préfecture de Miyagi). Jōmon Final, Musée national de Tokyo.

 

Comme nous venons d’évoquer l’apparition de la riziculture

Si le riz est considéré comme la base de l'alimentation japonaise, malgré une baisse constante de sa consommation, il n’en a pas toujours été ainsi. Toujours dans Nouvelle histoire du Japon, Jean-François Souyri souligne : ‘’Jusque dans les années 1950-1960, il était de tradition au Japon de déprécier cette civilisation Jōmon par rapport aux civilisations plus récentes, comme celle de Yayoi, qui connais­sait le riz inondé. Car le riz était considéré (et l'est toujours) comme l'un des éléments essentiels de la civilisation japonaise. On concevait comme une contradiction cette civilisation pré­historique que les Japonais se représentaient comme étrangère et le lien entre les anciens Jōmon et les Japonais d'aujourd'hui posait problème. C'est pourquoi nombre de préhistoriens ont cherché à montrer la discontinuité entre les peuplements pré­historiques et les peuplements actuels de l'archipel. Or cette idée que le riz inondé est le fondement de la culture japonaise a été considérablement remise en question par les historiens contemporains. Il a été démontré que le riz n'était pas l'élément fondamental de l'alimentation des populations avant le XVIe siècle. Il n'était qu'un élément noble et cher des­tiné à la consommation de l'élite, ou réservé aux jours de fête.’’

Rizières à Sawara (Chiba).
Rizières à Sawara (Chiba).

Ainsi, lors de la période féodale, les paysans cultivent le riz non pour se nourrir, mais pour payer l’impôt, pour les fêtes et autres cérémonies religieuses, et se nourrissent de millet et d’orge. Le riz a une telle valeur que celle des fiefs est estimée en fonction de leur rendement en Koku (石) (4).

En 2018, s’appuyant sur une étude du ministère de l’Agriculture, le site Nippon.com note une baisse significative de la consommation de la céréale. Ainsi, de 1962, où la consommation annuelle de riz par habitant au Japon était de 118,3 kilos, celle-ci n’a cessé de diminuer pour arriver à moins de la moitié en 2016, avec 54,4 kilos. En 2023, le même site indique que, selon une étude menée par le distributeur de riz japonais Makino, l’Archipel a vu sa consommation de riz diminuer avec l’apparition d’autres aliments, et que seules 16,7 % des 1 000 personnes interrogées en mangent trois fois par jour, à chaque repas.

En août et septembre 2024, les sites d’information occidentaux s’alarment sur la pénurie de riz que connaît le Japon. En France, Le Monde titre La pénurie de riz au Japon, conséquence du réchauffement climatique et du surtourisme, Les Échos : Comment le Japon s'est condamné à manquer de riz. Les kombini, et autres supermarchés, se voient obligés de mettre en place un rationnement, et les médias, reprenant une dépêche de l'AFP, en font leur une, à l'instar de BFM.TV, qui titre : ''Les clients font la queue avant l'ouverture": une pénurie de riz dans les supermarchés japonais.

© Les Échos
© Les Échos

En effet, la situation était préoccupante.

À l’AFP, via Air Journal, un responsable du ministère de l’Agriculture, Itakura Hiroshi, explique : ‘’Les principales raisons de ce bas niveau record des stocks sont la baisse de la production l’année dernière, en raison des températures élevées combinées à des pénuries d’eau, et le prix relativement bon marché du riz par rapport aux prix d’autres cultures comme le blé’’. Et d’ajouter : ‘’L’augmentation de la demande des touristes étrangers y a également contribué’’. Causes auxquelles nous pourrions ajouter, la baisse de qualité provoquée par la canicule de 2023 (la chaleur élevée perturbant l'accumulation d'amidon à l'intérieur des grains de riz, ce qui les rend plus opaques, tachetées de taches blanches et moins souhaitables pour la consommation humaine et, par conséquent, plus difficile à vendre), la diminution des quantités distribuées sur les marchés, voire les achats de précaution liés aux typhons et à la crainte d’un grand séisme dans le sud du Japon.

Le journal Asahi Shimbun rapporte que le 26 août 2024, le Gouverneur de la préfecture d'Ōsaka, Yoshimura Hirofumi, déclare : ‘’Le gouvernement a également annoncé qu'il avait demandé au ministère de l'Agriculture, des Forêts et de la Pêche de libérer les stocks de riz, sur la base d'une enquête d'urgence qui a révélé que 80 % des magasins de détail de la préfecture étaient en rupture de stock’’. Le 27 août 2024, le ministère de l'Agriculture, des Forêts et de la Pêche a demandé aux distributeurs de prendre des mesures pour assurer une distribution fluide du riz. Cependant, Konno Shigeki, un riziculteur du village d'Ōgata, dans la préfecture d'Akita, déclare : ‘’Même à Akita, une région productrice de riz, il n'y a pas de riz. Je pense que le gouvernement a mis du temps à contacter les distributeurs. Il y a peut-être eu un problème avec la politique’’.

Selon Nippon.com, le prix moyen aux grossistes du riz récolté au Japon en 2023 a bondi de 17 % par rapport à l'année précédente pour atteindre 16 133 yens les 60 kilogrammes en août 2024, atteignant un niveau record pour le mois.

© Kanpai !
© Kanpai !

Le riz produit en 2024 a commencé à apparaître dans les rayons, mais selon le journal Nihon Keizai Shimbun, il se vend à des prix supérieurs de plus de 50 % à ceux de 2023. Ceci étant principalement dû au principe de l’offre et de la demande, ainsi que l’augmentation des coûts de production pour les agriculteurs et des coûts de transport.

Si cela n’est pas la panacée, la situation de pénurie devrait s'améliorer progressivement, à mesure que du nouveau riz sera distribué, mais les prix, eux, devraient rester élevés un certain temps.

Face au réchauffement climatique, les chercheurs japonais tentent de créer de nouvelles variétés. Ainsi, le Centre de technologie agricole de Saitama, situé à Kumagaya, teste une nouvelle variété, dénommée Emihokoro. Selon Funakawa Yoshitaka, un agriculteur qui participe aux essais : ‘’Il va faire de plus en plus chaud, ce qui me donne l’impression que sans variétés qui résistent aux températures élevées, cela va devenir un travail très difficile’’.

L'apparition du tatouage au Japon

Si l’apparition exacte des tatouages au Japon n’est pas connue, il en est fait mention dans le Gishi-wajinden (魏志倭人伝), un texte chinois de huit pages issu des Chroniques des Trois Royaumes : ‘’Les hommes, grands ou petits, ont tous le visage et le corps tatoués [...]. Pour les Wa (5) qui vivent près de l'eau et qui aiment s'y plonger pour pêcher des poissons et d'autres bestioles, ils se tatouaient le corps afin de se protéger des gros poissons et de tous les animaux aquatiques. Par la suite, cela est devenu décoratif. Les tatouages sont différents selon les royaumes. Ils se font soit à droite, soit à gauche. Ils sont de grande ou de petite taille. Ils sont différents selon le rang des individus.’’ (source)

Visage d'une grande figure humaine en terre cuite (original estimé à un mètre). Jōmon Récent, vers 1500 AEC
Visage d'une grande figure humaine en terre cuite (original estimé à un mètre). Jōmon Récent, vers 1500 AEC

Toutefois, une figurine d'argile de la période Jōmon, datée à environ 1 500 AEC et mise au jour sur le site de Shinanai, dans la préfecture d'Iwate, présentant un visage tatoué, indique que le tatouage est bien antérieur à la période Yayoi. De plus, certaines thèses avancent que le tatouage, à des fins spirituelles et décoratives, remonterait au Japon à, environ, 10 000 AEC, voire plus, et que les motifs distinctifs marqués par cordon observés sur les visages et les corps des Dōgu représenteraient des tatouages.

Dans un article du Japan Times intitulé Jomon revival - Interest in Japan’s indigenous hunter-gatherers grows, l’artiste tatoueur Oshima Taku indique : ‘’Les preuves archéologiques suggèrent que le peuple Jomon a fortement embrassé la modification du corps, y compris la transfiguration et le piercing dentaire, comme une forme d’expression'', puis d'ajouter ''Sur la base de recherches passées, j’en suis venu à croire qu’ils se sont engagés à tatouer également. Ce ne sont peut-être pas les gens simplement habillés et modestes que les livres d’histoire japonaise les dépeignent ‘’. Plus loin, l’artiste note : ‘’S’il est difficile de discerner si les motifs gravés sur les corps du dogu représentent des vêtements, des accessoires ou des tatouages, il y a une chance que les marques faciales soient des tatouages.‘’,

Il est à noter que de nombreuses spéculations ont été faites sur ces motifs et, qu’à ce jour, aucune explication n’a réellement pris l’ascendant sur les autres. Néanmoins, il est à noter des similitudes entre ces marques et les traditions de tatouage observées dans d'autres cultures contemporaines. Même si, à ce jour, le premier homme tatoué connu est Ötzi, première momie humide (naturellement momifiée dans la glace) découverte dans les Alpes italiennes en 1991. Il aurait vécu entre 3350 et 3105 AEC, au cours de la période paléolithique.

POUR ALLER PLUS LOIN

Il existe de très bonnes vidéos sur le sujet, notamment de Linda Gilaizeau, de la chaine Youtube Truelle la Vie !, docteure en archéologie et spécialiste de la Préhistoire japonaise. La première est de Nota Bene, que l'on ne présente plus, la seconde de Linda Gilaizeau herself.

© Nota Bene

© Truelle la vie !

NOTES

(1) Étonnamment, les dates peuvent varier d’une source à l’autre… J’ai donc choisi les dates les plus couramment admises, notamment en ce qui concerne les premières.
(2) Je choisis délibérément AEC (Avant l’ère commune) et EC (ère commune), en remplacement des ‘’av. J.-C.’’ ou ‘’ap. J.-C.’’ utilisés couramment.
(3) Terme général désignant des roches sédimentaires siliceuses formées de calcédoine ou d'opale (chailles, silex, jaspes, etc.).
(4) Le koku (石) est une unité de mesure traditionnelle de volume qui représente la quantité de riz mangée par une personne en un an. Un koku de riz pèse environ 150 kg, pour 278,3 litres. Le kokudaka (石高) équivaut au revenu de chaque fief en koku, ceci fixant ni plus ni moins l'ordre protocolaire à la cour shōgunale de l’époque Edo.
(5) Wa ou Wajin (和人) est le nom donné aux Japonais, vers 150 AEC, par les érudits chinois et coréens. Le terme signifie en chinois ‘’personnes naines’’.

SOURCES

geo.fr, nippon.com, radiofrance.fr, expositionkagoshimalyceejeanmonnet.fr, musee-archeologienationale.fr, worldhistory.org, samurai-chronicles.fandom.com/fr/, kanpai.fr, jomon-japan.jp/en/, culturejaponaise.info, human.hirosaki-u.ac.jp/en/

IMAGE DE COUVERTURE

Présentation de figurines dōgu et masques, Jōmon Récent, vers 2 000 AEC, du site d'Isedōtai (Kitaakita Préfecture d'Akita) © Wikipedia.org

SAUF MENTION CONTRAIRE, TOUTES LES IMAGES DE CET ARTICLE SONT ISSUES DE WIKIPEDIA.

 

 

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