L'Histoire du Japon : La Période Yayoi
27 janv. 2025Cet article se voulait être le deuxième d'une série de 16... commencée en août 2024. J'avoue n'avoir écrit que deux articles à ce jour. Le manque de temps n'est pas le seul fautif, étant trop exigeant peut-être, je ne cesse de les remanier...
J'ai tout de même décidé de vous partager les deux premiers articles, car cela me poussera peut-être à continuer et à commencer celui sur la période Yamato (大和時代)
- Paléolithique 旧石器時代) et Période Jōmon (縄文時代)
- Période Yayoi (弥生時代)
AVANT-PROPOS À LA SÉRIE D'ARTICLES
Il n’est pas évident de résumer l’histoire du Japon en ‘’quelques’’ lignes, toutefois ces articles n’ont pas vocation à être complet. Il s'agit avant tout d'un outil qui vous permettra d’en savoir plus sur l’histoire plurimillénaire de l’archipel, et qui vous donnera peut-être envie d'aller plus loin. Il sera divisé en ères, allant du paléolithique à la période actuelle, et chacune d’entre-elle sera jalonnée de dates que je considère comme décisives... ou pas. Je vais, bien entendu, devoir faire des choix et ceux-ci ne reflèteront peut-être pas les vôtres. Comme d’habitude, vous trouverez les sources en bas de chaque article.
Bonne lecture !
300 AEC à 250 EC - Période Yayoi (弥生時代) (1) (2)
Le nom Yayoi vient du quartier de Tōkyō (Yayoi-chō), où les premiers objets associés à cette période sont trouvés en 1884. La culture Yayoi a prospéré dans une zone géographique allant du sud de Kyūshū au nord de Honshū.
Des chercheurs considèrent que la phase précoce de la période Yayoi chevauche en partie le Jōmon Final (1 000 AEC à 800 AEC). Il s'agit de la première période de culture agraire au Japon, qui voit se développer rapidement la culture du riz en rizières inondées. La poterie Yayoi utilise la même technique d'enroulement utilisée dans la poterie Jōmon, toutefois celle-ci est plus fine, plus complexe, et, contrairement à la poterie Jōmon, les récipients Yayoi ont des formes propres et fonctionnelles.
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Les habitants du Yayoi tissent des textiles, vivent dans des villages agricoles permanents et construisent des bâtiments en bois et en pierre. La métallurgie fait son apparition, vraisemblablement introduite par les Chinois ou les Coréens et les artisans fabriquent des cloches de cérémonie en bronze, appelées Dōtaku (銅鐸), des miroirs et des armes.
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Les Dōtaku ressemblent beaucoup aux petites cloches coréennes utilisées pour orner des animaux domestiques tels que les chevaux, ce qui serait une nouvelle preuve de l’influence de la péninsule sur l’archipel. Si la fonction exacte des cloches reste sujette à discussion, le fait que certaines, ainsi que des miroirs en bronze et des armes, aient été retrouvées enterrées au sommet de collines, pratique apparemment liée à un rituel, laisserait penser que ces cloches auraient eu une fonction magique ou rituelle. Fait également suggéré par l’absence de clapet et que leur paroi est trop mince pour sonner, lorsqu'elles sont frappées.
Les spécialistes pensent que les chevaux ont été introduits pendant l’ère Yayoi par des routes commerciales reliant la péninsule coréenne à l'archipel japonais. Selon Elwyn Hartley Edwards, écrivain équestre anglais du XXe siècle, des chevaux d'Asie centrale arrivent sur les îles japonaises dès le IIIe siècle. Les chevaux permettent aux guerriers Yayoi de se déplacer avec plus de vitesse et d'efficacité pendant les batailles et, dans l'agriculture, ils sont employés pour tirer les charrues et cultiver les champs, ce qui rend le travail agricole plus rapide et plus efficace. C’est également à cette époque que seraient introduit l'arc et la flèche. Ce qui influencera grandement l’évolution guerrière japonaise. Mais d'autres armes sont utilisées par les Yayoi, comme des lances, des épées de bronze, des haches en bronze et des couteaux, puis l’épée en fer.
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Le site archéologique de Yoshinogari (吉野ヶ里 遺跡), situé dans les collines de Yoshinogari, à cheval sur la ville de Yoshinogari et la ville de Kanzaki, a été désigné "Lieu historique national spécial". Il est connu pour les ruines d'un grand village entouré de douves de la période Yayoi, qui s'étend sur environ 117 hectares. Il a été découvert lors de fouilles en 1986.
Constitué d'une colonie et d'un cimetière, sa plus grande caractéristique vient des restes liés à la défense du village, avec un double fossé couvrant environ 40 hectares, parsemé de clôtures en bois et de terrassements. De plus, plusieurs tours de guet, comme la reconstitution ci-dessous, y ont été installées.
Des miroirs en bronze de Chine, des miroirs en bronze de style japonais, des poignards en bronze, des pièces de monnaie, des cloches, des outils de fer, des outils en bois, voire des cheveux humains préhistoriques y ont été déterrés.
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Parlons justement du fer.
Le peuple Yayoi commence à l’utiliser vers le 1er siècle EC, pendant ce que l’on nomme le Yayoi final. L'introduction du bronze, puis du fer, a conduit à la production d'outils et d'armes plus efficaces, transformant la façon dont les gens vivaient et combattaient. Ces progrès technologiques ont également un impact significatif sur le commerce, le Japon commençant à s'engager dans des échanges à longue distance avec les régions voisines. Ce contact est facilité par les routes du commerce maritime, qui permettent l'échange de marchandises, d'idées et de technologies. Comme vu plus haut, le peuple Yayoi adopte certains aspects de la culture continentale, tels que les techniques de moulage du bronze, tout en les adaptant à leurs propres besoins.
Cette meilleure qualité de vie favorise la croissance démographique et permet d'accroître la stabilité.
Et, à mesure que la population augmente, la société devient de plus en plus stratifiée et complexe, avec l’apparition de classes sociales distinctes (des sources chinoises contemporaines décrivent les gens ayant des tatouages et d'autres marques corporelles qui indiquent des différences de statut social).
Bien entendu, un certain niveau d'inégalité sociale apparait, les chefs tribaux ayant une plus grande concentration de richesse et de pouvoir. Toutefois, le pouvoir politique reste au niveau des villages, des clans, sans autorité centrale. Ces ‘’États’’ se livrent à la fois à des interactions pacifiques et conflictuelles avec les régions voisines. Des traces de combat, comme des ossements humains plantés d'une pointe de flèche et des os blessés, ont été découverts, principalement dans l'ouest du Japon, et certains villages présentent des fossés, vraisemblablement défensifs. Il est évident que cette période n'a pas toujours été calme et paisible, bien qu’aucune trace de bataille d’importance n’ait été trouvée.
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Comme indiqué en début d’article, il est clair que la Chine et la Corée ont grandement contribué à l’essor de cette civilisation. Les populations proto-japonaises sont appelé Wajin (和人) par les érudits chinois et coréens, et ce dès 150 AEC. Et les écrits les plus anciens à propos du Japon sont des écrits chinois de cette période. Wakoku (倭国) - terme utilisé par les anciennes dynasties chinoises pour désigner les îles de Kyūshū, de Shikoku et le nord de Honshū - est mentionné pour la première fois à cette époque. Selon Le Livre des Han postérieurs (后汉书), du IIe siècle AEC à environ 1er siècle EC, les wajin visitaient régulièrement les Han, via la colonie coréenne de la commanderie de Lelang et ses missions tributaires. De plus, les anciens historiens chinois décrivent Le pays des Wa comme un pays parsemé de centaines de communautés tribales, et non comme une patrie unifiée, telle que décrite dans le Nihon shoki (日本書紀), qui donne au Japon une date de fondation de –660, avec l'Empereur Jinmu (神武天皇).
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Selon certaines sources, tout au long des IIe et IIIe siècles, les clans se seraient battus, jusqu'à ce que, finalement, le clan Yamato finisse par dominer, au Ve siècle. Selon, ‘’Le territoire et les hommes’’, de Paul Akamatsu, directeur de recherche au CNRS : ‘’[...] dès 478, le seigneur du Yamato se vantait, dans une lettre à la cour de Chine, de commander à tous les territoires situés à l'ouest de l'archipel.’. Mais ceci est une autre Histoire.
Pour conclure, il est évident que l'époque Yayoi a joué un rôle crucial dans l'Histoire japonaise. Les progrès de l'agriculture, du travail des métaux et de l'organisation sociale ont préparé le terrain pour le développement de l'État de Yamato, qui est, finalement, devenu la fondation de la ligne impériale japonaise.
Parmi toutes les innovations, inventions et traditions apparues lors de la période Yayoi, j'en ai choisi deux, même si celles-ci sont sujettes à caution.
L'origine du Nihonshū (日本酒) (3) n'est pas claire. Cependant, la méthode de fermentation du riz en alcool se propage au Japon en provenance de Chine autour de 500 AEC. La première référence à la consommation d'alcool au Japon est enregistrée dans Les Chroniques des Trois Royaumes (三國志), un texte chinois du IIIe siècle.
Cette boisson fermentée, semblable à la bière ou au vin, et non distillée, comme la vodka ou le whisky, est, à l’origine, une boisson réservée au culte. Plus tard, il en est fait mention dans le Kojiki (古事記), compilation d’écrits datant de 712, et il est avéré que la noblesse de cour en boit lors des banquets. Toutefois, il faut attendre l’époque Muromachi (1336-1573) pour qu’il se répande auprès du peuple et qu’un artisanat se crée.
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Intimement lié aux pratiques Shintoïstes, le Nihonshū est, à l’origine, fabriqué en mâchant, puis en recrachant du riz dans des jarres, les enzymes salivaires (amylase) transforment l’amidon en sucre, la fermentation se déclenchant ainsi naturellement. Cette tâche est dévolue aux prêtresses shintō. D’ailleurs, selon Voyage Japon, le Kuchikamizake (口噛み酒) (4), également appelé Kuchikami no sake (口噛みの酒) était encore pratiqué il y a peu dans certains villages reculés d’Hokkaidō ou d’Okinawa.
Dans son livre Food, fermentation and micro-organisms (2005), Charles Bamforth place l'origine probable du ''vrai'' Nihonshū (fabriqué à partir de riz, d'eau et de moisissure Koji (麹)), à la Période de Nara (710-794).
Selon le Kojiki (古事記), le sumo (相撲) apparait avec la victoire du Kami du Tonnerre Takemikazuchi (建御雷) contre Takeminakata (タケミナカタ), Kami du vent. Ainsi, le peuple mené par Takemikazuchi obtient la possession des îles japonaises et fonde la famille impériale. Le Nihon Shoki (日本書紀), lui, rapporte le combat entre Nomi-no-Sukune (野見宿禰) et Taima-no-Kuehaya (当麻蹴速), lors du règne de L’Empereur légendaire Suinin (垂仁天皇), qui aurait régné pendant la période Yayoi, entre 28 AEC et 70 EC.
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Ce combat est considéré comme l'origine du Sumo et du ju-jitsu et Nomi-no-Sukune est aujourd’hui considéré comme le saint patron des Rikishi (力士), les lutteurs de sumo. Les règles du sumo, elles, ont été établies au cours de la période Edo (1603-1867).
Pour terminer, un sujet qui pourrait en faire sourire plus d'un... La question des gallinacés...
Le poulet est l'un des animaux domestiques les plus courants, avec une population estimée actuellement à plus de 30 milliards d'individus. On pense que le poulet a été domestiqué en Asie du Sud-Est il y a environ 3 500 ans, à la suite de quoi ils ont été transportés aux quatre coins du monde.
Le site archéologique de Karako-Kagi (唐古・鍵遺跡), situé à Tawaramoto, dans la préfecture de Nara, aurait prospéré entre le IIe siècle AEC et le IIe siècle EC. Il s’étend sur une superficie d'environ 420 000 mètres carrés, comprenant des parcelles agricoles, des habitations et des fortifications. Il est considéré comme l'un des sites les plus célèbres de l'ère Yayoi, et a livré une abondance d'artefacts fascinants, comme des outils apparemment utilisés pour le travail de la métallurgie, mais également des os de phasianidés, dont quatre appartenant à des oiseaux juvéniles.
Alors en quoi cette découverte est-elle importante ?
Selon ce communiqué de l’Université d’Hokkaidō, datant de 2023, cela a son importance, car les ossements retrouvés jusqu’à lors appartenaient uniquement à des mâles.
Eda Masaki, directeur de l'équipe de recherche, indique : '’Les poules et leurs parents sauvages appartiennent à une famille d’oiseaux appelés Phasianidés, qui comprend les faisans, les dindes et les cailles'', avant de poursuivre ‘’Les jeunes phasianidés récupérés dans les sites archéologiques ne pouvaient incontestablement être identifiés comme appartenant à des poulets ou à des faisans sauvages de taille similaire. L'identification des juvéniles est importante, car elle indiquerait que la reproduction des poulets a eu lieu. ".
Puis d’ajouter :
'’Dix des onze os précédemment découverts de poulets adultes de cette période ont tous appartenu à des mâles ; par conséquent, on pensait que l'élevage de poulets n'aurait pas pu se produire sur l'archipel japonais. [...] En identifiant les os de poulets juvéniles, nous fournissons des preuves claires que l'élevage a eu lieu au cours de cette période, qui est également le premier moment où des poulets auraient pu être introduits au Japon. En outre, Karako-Kagi est considéré comme une importante plaque tournante commerciale de la période Yayoi, de sorte qu'il est possible que ce statut soit un facteur dans l'élevage de poulets au cours de la période. "
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NOTES
(1) Étonnamment, les dates peuvent varier d’une source à l’autre… J’ai donc choisi les dates les plus couramment admises, notamment en ce qui concerne les premières.
(2) Je choisis délibérément AEC (Avant l’ère commune) et EC (ère commune), en remplacement des ‘’av. J.-C.’’ ou ‘’ap. J.-C.’’ utilisés couramment.
(3) Au Japon, le terme Sake (酒), prononcé [saké] réfère à n'importe quelle boisson alcoolisée.
(4) De Kuchi (口) ‘’bouche’’, Kami (噛み) ‘’mâcher’’, et Zake, forme rendaku de sake (酒).
SOURCES
IMAGE DE COUVERTURE
Un bâtiment sur le site archéologique de Yoshinogari restauré © Wikipedia.org.
SAUF MENTION CONTRAIRE, TOUTES LES IMAGES DE CET ARTICLE SONT ISSUES DE WIKIPEDIA.