Le Nihontō, l'âme du guerrier japonais
21 sept. 2023Connaissez-vous la différence entre Nihontō (日本刀) et Katana (刀) ? Savez-vous que Shinken (真剣) est l'appellation des lames aiguisées modernes, réalisées au Japon selon les méthodes traditionnelles ?
AVANT-PROPOS
Au cours des siècles, les guerriers japonais ont utilisé différentes lames, des courtes, des longues, des sabres, des épées, des lances... La plupart des épées ou sabres étaient destinés au combat rapproché, et ils avaient un désavantage certain sur un champ de bataille, par rapport aux armes à long manche, comme la Yari et la Naginata. De plus, en raison de la méthode de production nécessitant beaucoup de travail, il n'était pas possible d'avoir une production de masse de lames de haute qualité ou de grandes lames de type Nodachi et de les fournir aux simples soldats, d'où l'utilisation massive de lanciers et d'archers, puis, plus tard, d'arquebusiers. Certes, les lames de type Katana étaient l'apanage des bushi, mais, contrairement aux idées reçues, ce n'était pas leur arme de prédilection, qui est longtemps resté le Yumi (弓), l'arc.
Les épées en bronze ont été fabriquées dès la période Yayoi (environ 800-400 av. J.-C. - 250 apr. J.-C.), mais, généralement, le terme Nihontō recouvre les lames courbes créées à partir de la période Heian. Le terme Nihontō apparaît dans un écrit de Ouyang Xiu (歐陽修), un poète de la dynastie des Song du Nord (l'une des plus anciennes dynasties chinoises). Il est écrit qu'en Chine à cette époque, les épées japonaises étaient déjà vénérées comme des épées précieuses. De la fin de la période Heian au début de la période Kamakura, les épées japonaises étaient déjà reconnues à l'étranger et exportées du Japon.
Cet article se veut une liste non exhaustive des différentes armes blanches utilisées pendant la féodalité japonaise par les bushi, voire par les Ashigaru (足軽). Il en manquera certainement et je ne rentrerai pas toujours dans les détails. Comme vous l'aurez compris, nul mention de l'archerie, du canon à mèche de type Teppō (鉄砲) ou de la Tanegashima, l'arquebuse introduite par les portugais au XVIe siècle. D'autant plus que celle-ci était utilisée en grande partie par les fantassins des armées féodales.
En fin d'article, vous trouverez une bibliographie sélective pour aller plus loin.
LES DIFFÉRENTES LAMES
Chokutō (直刀)
Il s'agit d'une lame droite non incurvée principalement produite avant le IXe siècle. Elle est considérée comme l'une des premières lames forgées, et non coulées comme les Tsurugi, de l'Histoire japonaise. On en a trouvé plusieurs exemplaires dans les tumulus funéraires de la période Kofun (古墳時代) - environ 250 à 538. Son style de base et ses techniques de forgeage sont probablement originaires de la Chine et de la Corée et il en existe différents types, comme le Kantō-Tachi (環頭大刀) de style chinois, caractérisé par un ornement en forme d'anneau décoré d'un dragon ou d'un phénix sur le bout du manche. Il semble que son utilisation se soit terminée vers la période Heian (平安時代) - 794-1185.
Katana (刀)
Le terme Katana (1) apparaît pour la première fois dans le Nihon Shoki, en 720. Arme de taille et d'estoc, elle se caractérise par son aspect : une lame incurvée, élancée, à un seul tranchant avec une garde (circulaire ou carrée) et une longue poignée pouvant accueillir les deux mains. On sait qu'il est le descendant du Sasuga, mais également du Tachi qui est la lame principale sur un champ de bataille de la période Heian à la période Muromachi, sa longue lame et son tranchant le rendant idéal pour une utilisation à cheval.
Toutefois, au XVe siècle, le Katana devient populaire. À tel point que certains Tachi sont raccourcis pour lui ressembler. Utilisé à deux mains, très courbé et mesurant un peu plus de deux shaku (2), son usage se généralise peu à peu. Il est porté vers le haut dans la ceinture et, contrairement au Tachi, avec lequel les actes de dégainer et de frapper avec l'épée sont deux actions distinctes, dégainer le Katana et abattre l'ennemi deviennent une action fluide et rapide. Beaucoup d'historiens occidentaux pensent que les Katana sont parmi les meilleures armes coupantes de l'histoire militaire mondiale, pour leur utilisation prévue.
La période Muromachi voit des forgerons se démarquer, dont Osafune Morimitsu (長船盛光), Yasumitsu (康光) et Moromitsu (師光) de l'École Oei-Bizen (応永備前). Toutefois, la fin de période l'ère Keichō (慶長) – 1596-1615 marque un tournant dans la qualité de ces sabres. Les Katana de cette époque sont appelés Shintō (cf. CLASSEMENT PAR ÉPOQUES). Et, même si la qualité est moindre vis à vis des lames plus anciennes, le terme Shintō est justifié : ces nouvelles lames sont d'une qualité indiscutablement supérieure au regard des techniques de forgeage qui se sont énormément développées. La démocratisation du Tama-hagane (玉鋼), un acier fabriqué selon la tradition japonaise, en est l'une des raisons. Ne dépendant plus du minerai de fer importé d'autres pays, l'utilisation de sable de fer noir trouvé sur les plages au Japon permet d'obtenir une réduction rapide à basse température et de créer un acier de haute qualité avec peu d'impuretés. La fabrication d'une lame implique de très nombreux processus détaillés et chaque forgeron a ses secrets. Au cours de l'Ère Edo (江戸時代) – 1603-1867, de célèbres forgerons se réunissent à Edo, Kyōto et Ōsaka pour rivaliser les uns avec les autres.
Katana modifié à partir d'un Tachi forgé par Motoshige (école Bizen Osafune, influencée par l'école Sōshū) - période Nanboku-chō - "Bien culturel important" Musée national de Tōkyō
Suite au Katanagari (刀狩), « chasse aux épées », ordonnée par Toyotomi Hideyoshi en 1588, beaucoup de guerriers, n'étant pas bushi, ne peuvent plus porter de lames. Pendant la période Edo, le shogunat Tokugawa exige que les samurai portent un Katana et une lame plus courte. Ce sabre court peut être un Wakizashi ou un Tantō, même si c'est généralement le premier qui est choisi. Cette paire, appelée Dai-shō (大小), est le signe que le porteur est un samurai. Selon la plupart des écoles traditionnelles, seule l'une des deux lames doit être utilisée pour combattre. Cependant, Miyamoto Musashi favorise l'utilisation de la prise à une main qui permet de manier deux sabres simultanément et fonde sa propre école, le Hyōhō niten ichi ryū (兵法二天一流). École existant encore de nos jours et dont le Hombu dōjō (本部道場), le dōjō central, est situé à Kokura, sur l'île de Kyūshū.
Les sabres s'embellissent, deviennent de véritables objets d'art parfois, ce qui n'est pas toujours du goût des samurai, assez traditionalistes. Toutefois, une grande majorité des lames est de moyenne qualité, beaucoup de samurai n'ayant pas les moyens de se procurer un Katana signé d'un maître, voire simplement forgé à partir de Tama-hagane.
En 1876, après la restauration Meiji (明治時代) et l'ère qui en découle (1868-1912), il est interdit aux samurai de porter le sabre. La fin de la seconde Guerre mondiale et l'occupation américaine voit beaucoup de ces armes détruites ou emportées par des soldats US. C'est pourquoi vous pouvez toujours en trouver hors du Japon, alors que celui-ci a grandement codifié la vente de ces biens culturels (cf. CLASSIFICATION).
Katana de l'école Sōshū modifié à partir d'un Tachi, forgé par le fils adoptif de Gorō Nyūdō Masamune (五郎入道正宗) - « Bien culturel important » Musée national de Tōkyō
Kodachi (小太刀)
Les Kodachi datent du début de la période Kamakura (鎌倉時代) - 1185-1333 et ont la forme d'un Tachi, mais avec une longueur inférieure à 2 shaku. Selon Wikipedia, l'utilisation exacte du Kodachi est inconnue. Il s'agissait peut-être d'une épée d'accompagnement pour un Tachi de taille normale ou d'une épée pour adolescent.
Kogatana (小刀)
Il s'agit d'un petit couteau, rangé dans le fourreau d'un Katana. Il pouvait être accompagné d'un Kogai (笄), une petite broche à multiples usages, comme gratter les sabots du cheval, ou servant d'épingle à cheveux. Le Kozuka (小柄) est la poignée décorative adaptée au Kogatana.
Tsuba (en haut à gauche), Fuchigashira (en haut à droite), Kogai (au milieu) et Kozuka (en bas) - période Edo - Musée d'art Fuji de Tōkyō
Nagamaki (長巻)
Souvent confondue avec la Naginata, la Nagamaki est une épée d'environ 2 shaku montée sur une poignée d'à peu près la même taille. Apparue à l'époque Heian, cette lame est tenue à deux mains, dans une position fixe, telle que celle utilisée pour un Katana. Elle est conçue pour donner de grands coups de balayage et de tranchage et est principalement utilisée par l'infanterie contre la cavalerie.
Nagamaki avec Koshirae de 135 cm, 130 cm de la Tsuka à la pointe, soie de 50 cm, Tsuka de 68 cm et tranchant de 60 cm
Naginata (薙刀)
Arme d'hast apparue pendant la période Heian, particulièrement appréciée des moines-guerriers et des Onna-bugeisha, la Naginata est peu ou prou l'équivalent du Fauchard européen. Elle est utilisée par les bushi piétons ou par les Ashigaru (elle prend alors le nom de Ō-naginata – 大薙刀) et se compose d'une lame incurvée d'environ 60 cm à un seul tranchant montée sur un manche de bois ou de métal d'une longueur pouvant aller jusqu'à plus de deux mètres.
Ōdachi (大太刀) / Nodachi (野太刀)
Ces deux termes, traduit respectivement par « grande épée » et « épée de campagne », représente un grand sabre, semble-t-il fort peu maniable, surtout pour ceux mesurant plus de 5 shaku (environ 150 centimètres). D'ailleurs, les deux mains étaient parfois obligatoires pour l’employer et soit l'utilisateur le portait dans le dos, soit c'étaient ses serviteurs qui s'en chargeaient. Pour être qualifiée d'Ōdachi, une épée devait avoir une longueur de lame d'environ 3 shaku, mais il n'existait pas de taille définie. L'Odachi Masayoshi, exposé au sanctuaire Yahiko dans la préfecture de Niigata, est l'une des plus longues lames japonaises qui soit conservée. Forgée par Masayoshi Sanke, et datée de 1844, sa lame mesure 225,43 cm de long.
Sasuga (刺刀)
Il s'agit de l'un des ancêtres du Katana utilisé par les bushi de rang inférieur qui combattent à pied à l' époque de Kamakura et dont l'arme principale est une Naginata. Sa forme s'apparente à un Tantō, mais elle finit par grandir pour devenir ce que l'on connait aujourd'hui.
Shinken (真剣)
Terme qui se traduit par « lame vraie » et correspond à un sabre japonais moderne disposant d’une véritable lame forgée. Shinken est employé en opposition aux « fausses » épées, c’est-à-dire celles en bois (木刀 / bokutô) ou en bambou (竹刀 / shinai). Ces lames peuvent être utilisées en Iaijutsu, Tameshigiri, voire en Iaïdo.
Shinken sur mesure dont la lame est réalisée par un forgeron de la région de Seki, vendu sur www.konjaku.fr
Tachi (太刀)
On le confond souvent avec le Katana, mais ils diffèrent par la longueur de la lame, le degré de courbure et la façon dont ils sont portés lorsqu'ils sont gainés. On peut également les distinguer selon l'emplacement du Mei (銘), ou signature, sur la soie, et la taille de celle-ci. Le style Tachi a précédé le développement du Katana. Arme de cavalerie, forte d'une lame longue, à partir de deux shaku, le Tachi possède une double attache qui permet de le porter suspendu. Il apparaît lors de la période Heian et disparaît peu à peu au profit du Katana. Pourtant, même après la période Muromachi (室町時代) - 1336-1573, alors que le Katana est devenu le courant dominant, le Tachi est souvent porté par des bushi de haut rang, le plus souvent pour servir de lame de cérémonie ou de décoration, appelée Kazari-Tachi (飾太刀).
Tantō (短刀)
Le Tantō est une petite lame à simple ou double tranchant qui date de la période Heian. Sa conception a évolué au fil des ans pour devenir plus ornée avec une lame plus longue et plus large. Il mesure en moyenne 1 shaku, mais peut être plus petit, voire plus grand... Il était courant pour un bushi de porter un Tachi et un Tantō, par opposition à un Katana et un Wakizashi plus tard.
Tsurugi / Ken (剣)
Terme utilisé en Occident pour désigner un type spécifique d'épée japonaise droite à double tranchant, par opposition aux épées incurvées à un seul tranchant telles que le Katana. Toutefois, en japonais, le terme est utilisé pour toutes sortes d'épées longues à double tranchant. La plus ancienne épée de bronze découverte au Japon est un poignard de style chinois, datant de la période Yayoi, environ 800 avant notre ère. L'épée légendaire Kusanagi-no-Tsurugi (草薙の剣), l'un des trois insignes impériales du Japon, serait de ce type.
Uchi-gatana (打刀)
Utilisé à une main, de mauvaise qualité, il n'est, à l'origine, utilisé que par des individus de statut ou de rang inférieurs, tels que les Ashigaru ou les bushi de basse extraction qui, faute de moyens, combattent à pied. Mauvaise qualité due en partie par la Guerre civile d'Ōnin (応仁の乱) 1467-1477, qui a généré une production de masse. Sa lame est fortement courbée près de la Tsuka (poignée) et fait entre 2 et 3 shaku. Peu à peu, on commence à distinguer les tailles et à donner les noms de Katana et Wakizashi d'usage courant. Le terme Uchi-gatana disparaîtra au fil du temps pour faire place à ces nouveaux termes.
Wakizashi (脇差)
Utilisé depuis les XVe et XVIe siècle, le Wakizashi n'est pas forcément une version réduite d'un Katana. En effet, d'une longueur allant de 1 à 2 shaku, son forgeage et sa conception générale pouvaient être différents. Le terme Wakizashi, traduit par « épée insérée sur le côté », fait référence au fait que la lame est coincée dans l'obi (ceinture), devant ou sur le côté.
Wakizashi dont les parties métalliques sont fabriquées par Gotō Ichijō (後藤乗) - Période Edo - Musée national de Tōkyō
Yari (槍)
La Yari est une lance à tête droite apparue très tôt, semble-t-il vers la période Nara (奈良時代) – 710-794 et dérivée de la lance chinoise. Pourtant, ce type de lance n'est devenu populaire qu'à la fin du XVe siècle et, à l'instar de la Naginata, devient un incontournable du champ de bataille, en raison de sa portée nettement plus longue, de son poids plus léger par unité de longueur (tout est relatif, bien sûr) et de sa grande capacité de perçage. Vers la seconde moitié du XVIe siècle, les ashigaru tenant des Nagae Yari, d'une longueur de 4,5 à 6,5 mètres, deviennent les principales forces des armées. Il existe différentes formes, certaines comme les Agarigama jūmonji yari et Sagarigama jūmonji yari, possédant une lame en forme de croix.
CLASSEMENT PAR ÉPOQUE
Le katana est autant une arme qu'une œuvre d'art. Le Nihontō (日本刀) est né d'une volonté d'amélioration purement technique. Mais il s'avère que les épées étaient effectivement considérées comme des pièces d'art respectées très tôt dans l'Histoire du Japon, et les premières lames étaient également des objets de culte. On distingue différentes époques, selon l'amélioration des techniques de forgeage, l'apparition de telle ou telle lame... Il va sans dire que cela influe grandement sur la valeur d'un sabre.
Jōkotō (上古刀) « Ancienne épée ancienne »
De l'épée au sabre, il y a une grande différence (l'épée est à deux tranchants alors que le sabre est à un seul tranchant) et le sabre japonais que nous connaissons a vu son ancêtre apparaître au milieu de la période Heian avec ces premiers sabres appelés Jōkotō, pour certains fortement inspirés des lames chinoises. Pourtant, les premières courbes apparaissent vers le milieu de l'ère Asuka, avec notamment le forgeron Amakuni Yasutsuna (天國安綱) qui, selon la légende, crée le premier Tachi en voyant les hommes de l'Empereur revenir d'une bataille avec des armes brisées.
Kotō (古刀) « Vieille épée »
Ces lames apparaissent vers la seconde moitié de l'ère Heian, jusqu'à celle de Muromashi. Elles deviennent de plus en plus courbées, c'est en effet une conséquence physique lorsque le tranchant est proche du dos de la lame. Mais les forgerons découvrent qu'il en résulte une meilleure capacité de coupe et une meilleure résistance aux chocs. C'est à cette époque qu'apparaît la difficulté de l'épée japonaise : obtenir le bon équilibre, avec une arme toujours plus tranchante sans compromettre sa solidité.
Tachi dont la lame a été fabriquée par Masatsune au XIIe siècle – Montage du XVIIIe siècle - Musée national de Tōkyō
On peut également citer les lames Suekotō, de la fin de la période Muromachi, la plupart d'entre elles sont des épées inférieures produites par une production de masse, appelées Kazu-uchi mono, et Shinkosakai, des lames forgées dans la période de transition entre Kotō et Shintō.
Shintō (新刀) « Nouvelle épée »
De nombreuses modifications vont permettre à l'artisanat de se développer. L'unification élimine les écoles de forgerons de style Mino-den, Yamashiro-den, Yamato-den, Bizen-den et Sōshū-den (Gokaden (五ヶ伝) « les cinq grandes traditions »), et de grands maîtres apparaissent dans tout le Japon. De plus, le Kenjutsu (剣術) et le port du Dai-shō se développent énormément. Néanmoins, la qualité du grain de ces Shintō est généralement moins bonne que celle des Kotō, ceci étant généralement dû à l'importation massive d'acier de moindre qualité en provenance du Portugal et de Hollande, mais également à la perte de techniques de forge provoquée par les grandes productions de la fin Muromachi.
Shin-shintō (新々刀) « Nouvelle-nouvelle épée »
La fin de l'ère Edo et le début de l'ère Meiji voient la naissance du Shin-shintō, dans une période où les pouvoirs sont rendus à l'Empereur par le Shōgun. Avec l'ère Meiji vient la disparition des samurai, suite au décret Haitorei (廃刀令) interdisant le port d'armes en 1876 (3). Le Katana devient alors véritablement un objet d'art, et à partir de 1897, certains d'entre eux sont nommés trésors nationaux.
Katana Shin-shintō signé par Gassan Unryushi Minamoto Sadakazu(月山雲竜子源貞一), classé N.B.T.H.K « TOKUBETSU JUYO TOKEN » - 10 000 euros sur www.samuraimuseum.jp
Gendaitō (現代刀) « Épée moderne »
Nom donné aux lames forgées après la dernière modification du décret Haitorei de 1876 (interdiction du port du Katana). Contrairement aux Showatō et Guntō produits durant les mêmes années, les Gendaitō sont considérés comme étant de bonne qualité, car ils sont forgés selon les traditions et grâce aux efforts de forgerons, tels Gassan Sadakazu (月山貞) et Gassan Sadakatsu (月山貞勝), qui étaient employés comme artisans impériaux. Ces forgerons ont produit de belles œuvres qui rivalisent avec les meilleures lames plus anciennes.
Showatō (軍刀) « Épée Showa » et Guntō « Épée militaire »
Le showatō fait son apparition pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce sont les derniers sabres à usage véritablement militaire. Beaucoup ne respectent pas les traditions et sont de piètre qualité. L'objectif était de produire plus de 2 150 000 sabres pour équiper les hommes de l'armée japonaise qui devaient en posséder un. On parle alors de Guntō, des sabres produits en grande quantité pour un usage militaire.
Shinsakutō (新作刀) « épée nouvellement fabriquée »
Les lames modernes fabriquées selon des méthodes traditionnelles sont généralement connus sous le nom de Shinsakutō. Comme vu plus haut, elles peuvent être appelés Shinken (真剣) lorsqu'elles sont conçus pour le combat par opposition aux épées d'entraînement.
LA FORGE
Le forgeage d'une lame de sabre japonais comporte un grand nombre d'étapes, impossible ici de toutes les répertorier. Je vais essayer de simplifier au maximum. D'autant que, selon les sources, le forgeage ne se fait pas de la même façon...
Pour commencer, il faut du Tamaha-gane (玉鋼). Celui-ci est fait à partir d'un sable de fer trouvé à Shimane. Il existe deux principaux types de sables de fer : l'Akame satetsu (赤目砂鉄) et le Masa satetsu (真砂砂鉄). Ce sable est mis dans un Tatara (鑪), un fourneau en argile, puis chauffé entre 1200 et 1500° Celsius. Ensuite, il est mélangé avec du charbon de bois pour ajouter du carbone à l'acier afin qu'il puisse être durci. Le processus de fabrication prend entre un jour et demi à trois jours, selon le nombre de personnes qui travaillent et la quantité de métal à obtenir. La qualité du Tamaha-gane est déterminée par sa couleur : les pièces couleur argent brillant étant très bonnes pour fabriquer des lames.
Une lame japonaise est fabriquée à partir d'acier de deux duretés différentes, souvent Kawa-gane (側鉄) et Shin-gane (芯鉄 ), le premier pour l'acier extérieur, le second pour l'acier intérieur. Shin-gane est un acier avec moins de carbone, ce qui confère sa flexibilité à l'épée (0,25% contre 0,6 % de carbone en ce qui concerne le Kawa-gane).
Le forgeron pratique le Shita-gitae (下鍛), le forgeage de base, puis le Age-gitae (上鍛), le forgeage de finition, sur des morceaux de Tamaha-gane afin d'obtenir les lingots qui seront utilisés.
Il s'agit (très succinctement) d'un chauffage, martelage pour étirer et pliage en deux (dans le sens de la largeur et de la longueur alternativement environ 6 ou 7 fois selon le niveau de carbone d'origine) de galettes, elles-mêmes conçues à partir de bouts de Tamaha-gane. Ces étapes, répétées plusieurs fois, servent, entre autres, à retirer le maximum de scories et d'impuretés du métal et à réguler la teneur en carbone. Si celle-ci est trop élevée, l'acier sera dur et, par conséquent, l'épée pourra se fissurer. Si elle est trop basse, l'épée sera trop molle et pourra se plier. Expert, le forgeron n'a que ses yeux pour juger de la qualité du résultat.
À ce stade, les deux lingots sont formés de milliers de couches superposées. Le forgeron enveloppe ensuite le Shin-gane avec le Kawa-gane, puis soude les deux pièces ensemble en chauffant, martelant et l'étirant pour faire une barre d'acier. Il existe plusieurs façons d'envelopper le Shin-gane, mais la plus courante actuellement s'appelle Kobuse (甲伏). Cette phase est critique, le soudage devant être bien effectué et le martelage ne devant pas déplacer les deux composants.
Comme vous pouvez le constater, il peut arriver d'utiliser un 3e type d'acier, le Ha-gane, plus dur que le Kawa-gane
Ensuite, viennent les phases Hizukuri (火造), pour la mise en forme finale. Peu à peu, le Ha (le tranchant) s'amincit, alors que le Shinogi (l'arrête longitudinale proche du dos) s'élève ; Arashi-age (荒仕上げ), une finition brute comprenant le redressement et l'aplatissement de la lame. Celle-ci prend forme ; Tsuchitori (土取) qui consiste à enduire la lame avec un mélange d'argile, de cendre de pin, de pierre broyée et d'eau. Le forgeron gratte une fine couche du mélange un peu autour de la zone de Hamon, puis laisse sécher. Ce processus permet de créer le Hamon (刃文), la ligne de trempe, et de durcir la pointe ; Yaki-ire (焼入れ) où le forgeron chauffe la lame uniformément, puis, à juger par sa couleur, la trempe rapidement dans l'eau. Il s'agit du processus le plus crucial, car tout le travail effectué jusqu'à présent peut être ruiné si le forgeron ne parvient pas à juger de la couleur précise de l'épée chauffée, de la température de l'eau et du moment de la trempe.
La lame est ensuite envoyée au Togishi (研ぎ師), le polisseur. Ce travail fera la beauté de la surface et la netteté de l'épée. Chaque étape de fabrication est essentielle, et le polissage, qui peut être très long, est aussi important que le reste.
Ji-togi (地磨ぎ), le polissage de la lame. Pour cette étape, le polisseur utilise plusieurs pierres à polir, appelées Togi-ishi (研ぎ石), de la plus abrasive à la moins abrasive ; Shiage (仕上げ), la finition finale de la lame. Cette étape, plus minutieuse, permet de mettre en évidence certaines caractéristiques du Ha ou faire ressortir le Hamon par exemple, voire de corriger des déformations et des courbures causées par le Yaki-ire.
Vient ensuite le Horimono ou Chōkoku (彫刻), où le forgeron sculpte des rainures et des gravures, soit pour la décoration, soit pour alléger la lame ; et enfin la finition de la soie, appelée Nakago (茎), et la signature, Mei (銘), indiquant généralement le nom du forgeron, son titre et éventuellement son école et la date.
La garde, la poignée, le fourreau, comme les ornements... seront fabriqués par divers artisans. Le résultat sera un magnifique Katana, capable de fendre une armure comme une simple feuille de papier, s'il est entretenu comme il le faut, bien entendu.
Cette vidéo, diffusée à l'époque sur ARTE, est fort instructive sur le forgeage d'un sabre. On y rencontre Kihara Akira, en charge du Tamaha-gane, le Maître forgeron Gassan Sadatoshi et Honami Koshu, le polisseur.
NOMENCLATURE D'UN KATANA
J'emprunte cette partie à L'atelier du sabre japonais qui, outre de vendre des sabres et autres Tsuba, Katanakake..., fourmille d'informations pour celles et ceux qui désirent en savoir plus sur les lames japonaise.
Fuchi : Collier installé autour de la tête de la poignée
Habaki : Collier enfilé sur la lame et placé avant les Seppa et la Tsuba
Kashira : Pommeau de la poignée
Koiguchi : Ouverture du fourreau
Kojiri : Bout du fourreau
Kurigata : Anneau sur le côté du fourreau où le Sageo est noué
Mekugi : Cheville en bois (Ou en matériau solide) pour lier la poignée à la lame
Menuki : Éléments ornementaux se trouvant sous le tressage de la poignée
Sageo : Habituellement en soie ou en coton, utilisé pour attacher le fourreau au Hakama
Samegawa : Peau de raie utilisée comme revêtement sur la poignée en bois, sous la tresse
Saya : Étui ou fourreau pour contenir le sabre
Seppa : Cale métallique placée de chaque côté de la Tsuba
Tsuba : Garde du sabre
Tsuka : Poignée du sabre
Nakago : Soie de la lame
Nagasa : Longueur du tranchant de la lame
Ha : Tranchant
Habaki : Pièce en cuivre rectangulaire inséré sur le Nakago
Mune : Dos de la lame
Seppa : Rondelle entretoise ovale qui maintient la Tsuba
Ho : Deux demie-coquilles de la Tsuka en bois de magnolia
Ito : Cordon de tressage de la Tsuka
Yokote : Arête perpendiculaire au tranchant, délimitant le Kissaki (pointe)
Nakago-jiri : Extrémité du Nakago
Hi : Gorges le long de la lame
Mono-uchi : Point (variable en fonction des sabres) situé sur la lame, où l'impact sur la cible au moment de la coupe sera le plus efficient
Yasuri-mei : Traits de limes réalisés sur le Nakago, avec des motifs et orientations diverses, permettant entre autre de déterminer l'école de forge ou le forgeron
Mekugi-ana : Trou réalisé sur le Nakago qui permet de fixer la Tsuka sur la lame du sabre. Au nombre de 1 lorsque le sabre est récent et peut aller jusqu'au nombre de 4 pour les lames plus anciennes de type Kotō
Shinogi : Arête sur les côtés de la lame, qui partent du Nakago jusqu'au Kissaki et délimitant la jonction entre le plan du Shinogi-hi avec le plan du Ha
Mune-machi : Encoche à la fin du Mune où vient buter le Habaki
Ha-machi : Encoche à la fin du Ha (tranchant) où vient buter le Habaki
LA CLASSIFICATION
Presque toutes les lames anciennes japonaises sont classées. Toutefois, les différentes organisations et livres utilisent leur propre terminologie et leurs propres systèmes, il est donc facile de s'y perdre. Cette partie a également été écrite grâce au travail de L'Atelier du sabre japonais. Sans cela , j'aurais été quelque peu perdu...
La N.B.T.H.K (Nihon Bijutsu Touken Hozon Kyokai), société pour la préservation des sabres d'art japonais, a été fondée en 1948. Sérieuse, elle est responsable de la sélection et de la certification des évaluations des sabres japonais. Appelés Origami, ses certificats sont reconnus comme un gage d'authenticité. Il existe différents grades, selon la qualité de la lame, le forgeron... :
- HOZON (un sabre digne de préservation);
- TOKUBETSU HOZON (spécialement digne d'être préservé);
- JUYO TOKEN (pièce d’importance);
- TOKUBETSU JUYO TOKEN (pièce particulièrement importante).
Vous pouvez également vous rendre sur new.uniquejapan.com pour en savoir plus sur cette certification.
La N.T.H.K (Nihon Token Hozon Kyokai), société pour la préservation des sabres japonais, s'est établie en 1910 et s’est scindée en deux groupes, dont une association, le N.T.H.K-N.P.O, créé pour promouvoir, étudier et préserver le sabre japonais et les arts connexes. Le système de notation N.T.H.K est basé sur la classification d’une lame sur une échelle de points, qui représentent la qualité du travail dans son ensemble et des méthodes de travail du forgeron.
Le cas du système du Ministère de l’Éducation du Japon
Il faut savoir que posséder, pour un collectionneur situé à l'extérieur du Japon, un sabre portant la mention du Ministère de l'éducation est très rare, voire impossible, car ces lames sont considérées comme des trésors culturels de la Nation japonaise. Trouver une telle lame en dehors de l'archipel peut être illégal. Les sabres recevant cette classification doivent non seulement être de haute qualité et réalisés par des forgerons renommés, mais doivent aussi revêtir une importance historique :
- JUYO BIJUTSUHIN (Objet d'art important);
- JUYO BUNKAZAI (Bien culturel important);
- KOKUHO (Trésor National).
Les collectionneurs de sabres japonais utilisent également régulièrement des livres, comme le Nihon Toko Jiten qui, bien qu'il ne permette pas toujours de vérifier l'authenticité d'une lame, permet d'en savoir plus sur son origine. Écrit en 1935 par Fujishiro Yoshio, cet ouvrage, en deux volumes, présente des images de signatures sur des lames et parfois des diagrammes de structures accompagnés de commentaires biographiques et stylistiques. Le tout compilant environ 1 500 forgerons.
PARLONS DU COÛT
Le coût d'un Shinken varie entre 5000 à 20 000 euros, voire beaucoup plus en fonction de la province et du forgeron. Le prix d'un sabre ancien, lui, peut allègrement dépasser les centaines de milliers d'euros, et je reste modeste dans mon estimation. Toutefois, certains revendeurs, comme le Samurai Museum, basé à Shinjuku, vous propose des Katana, Wakizashi ou Tantō allant des ères Muromachi à Meiji, à des prix parfois très attractifs. Les armes sont vérifiées, certaines sont signées, et possèdent toutes un certificat N.B.T.H.K. Certes, ce ne sont pas toujours des armes d'exception, parfois avec des défauts, mais elles restent de magnifiques objets de collection. À titre personnel, j'aurais plus confiance en un tel revendeur japonais, ou en L'Atelier du sabre japonais et Nihontō France qu'en un marchand trouvé sur Ebay ou sur Catawiki.
Veuillez toutefois penser à ajouter les frais annexes, tels les frais de port et les taxes d'importation. Cela peut vite faire grimper la facture.
NOTES
(1) Selon le Nagoya Japanese Sword Museum Touken World, le terme exact japonais pour ce type de sabre est Uchi-gatana, le terme Katana faisant le plus souvent référence à une lame à un seul tranchant, mais pas obligatoirement japonaise.
(2) Le shaku est une unité de mesure valant 30,3 centimètres dérivée du chi chinois. L'utilisation de l'unité à des fins officielles au Japon a été interdite en 1966, bien qu'elle soit toujours utilisée dans la menuiserie japonaise traditionnelle et dans certains autres domaines, tels que la conception de kimono.
(3) Un premier Haitōrei, en 1870, interdisait aux agriculteurs ou aux marchands de porter des sabres et de s'habiller comme des samurai.
BIBLIOGRAPHIE
Sabres japonaises d'exception de Yoshindo Yoshihara chez Nuinui
Le sabre japonais (collectif) chez le même éditeur
Le sabre japonais : héritage culturel de la nation de Colin M. Roach chez Budo Éditions
Les Sabres Shinto de Serge Degore chez les Éditions du Portail
Samourai, armes, armures et costumes de Kure Mitsuo chez Du May
Samouraï - Techniques De Bataille Et Armes Du XIIIe Au XIXe Siècle de Thomas D. Conlan chez Du May
SOURCES
wikipedia.org, atelier-du-sabre-japonais.com, samuraimuseum.jp/en/, Nihontōfrance.com, artKatana.com, japanese-wiki-corpus.org, studyingjapaneseswords.com, touken-world.jp (archives), katanas-murasame.com, katanas-samurai.com
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