Une page se tourne pour le Yamaguchi-gumi

Le 8 avril 2025 marque peut-être un tournant historique dans le monde du crime organisé japonais. Les dirigeants du Yamaguchi-gumi (山口組), le plus grand syndicat de yakuza au Japon, remettent une lettre officielle à la police préfectorale de Hyōgo (兵庫県警), annonçant leur volonté de mettre fin au conflit qui les oppose depuis près d’une décennie au groupe dissident Kōbe Yamaguchi-gumi (神戸山口組).

En 2015, lorsque cette scission secoue le monde yakuza, ce qui n'était jusque-là qu'un monolithe du crime organisé se fragmente soudainement : des cadres mécontents claquent la porte du Yamaguchi-gumi pour fonder leur propre faction, le Kōbe Yamaguchi-gumi. Cette division entraîne une série d'affrontements sur l’ensemble du territoire. 

En dix ans, on recense plus de 150 incidents violents

À Tōkyō, à Ōsaka et jusqu’au cœur du Kansai, les guerres de territoire laissent craindre un retour aux heures les plus sombres des années 1980, lorsque les fusillades et les règlements de comptes faisaient les gros titres. Mais le Japon de 2025 n’est plus celui des décennies passées. Face à la résurgence de la violence, les autorités adoptent une ligne dure. Les bureaux des gangs sont fermés, les rassemblements de plus de cinq membres sont interdits, et la pression judiciaire s’intensifie.

En 2016, le Bureau des actifs étrangers du Trésor des États-Unis a sanctionné le Kōbe Yamaguchi-Gumi et trois de ses dirigeants.
En 2016, le Bureau des actifs étrangers du Trésor des États-Unis a sanctionné le Kōbe Yamaguchi-Gumi et trois de ses principaux dirigeants.

​Les chiffres précis concernant les effectifs des clans Yamaguchi-gumi et Kobe Yamaguchi-gumi pour l'année 2024 ne sont pas encore disponibles via des sources officielles. Toutefois, selon un article du The Times publié le 8 avril 2025, le Yamaguchi-gumi compterait environ 6 900 membres et quasi-membres, tandis que le Kōbe Yamaguchi-gumi en aurait environ 320.

Pour des données officielles, le rapport de l'Agence nationale de la police japonaise publié en mai 2024 indique qu'à la fin de 2023, le Yamaguchi-gumi comptait 3 500 membres et 3 800 membres associés, soit une diminution de 300 membres et 500 membres associés par rapport à l'année précédente. Le Kōbe Yamaguchi-gumi, quant à lui, avait 140 membres et 260 membres associés, enregistrant une baisse de 190 membres et 170 membres associés sur la même période. ​(source : Nippon.com)

Ces chiffres témoignent d'une tendance générale à la baisse des effectifs des groupes de yakuza au Japon, en partie due aux mesures répressives accrues des autorités et à l'évolution des dynamiques criminelles dans le pays.

Une image publique en voie de disparition

Il fut un temps où les yakuza revendiquaient leur présence dans la société. Certains allaient jusqu’à organiser des distributions d’aide lors de catastrophes naturelles, comme après le séisme de 2011. Ce rôle de "voyous au cœur noble", largement mis en scène, appartient désormais au passé. Aujourd’hui, la stratégie semble changer : plus de discrétion, moins de visibilité.

La lettre remise par les dirigeants du Yamaguchi-gumi n'est pas seulement un acte de communication envers la police : elle montre aussi une prise de conscience interne. Le temps des guerres intestines est révolu, du moins en apparence.

Dans cette image aérienne, les policiers enquêtent sur la fusillade mortelle d'un gangster suspect de Yakuza le 12 septembre 2017 à Kōbe © Asahi Shinbun
Dans cette image aérienne, les policiers enquêtent sur la fusillade mortelle d'un gangster suspect de Yakuza le 12 septembre 2017 à Kōbe © Asahi Shinbun

Une paix durable ?

Reste une question essentielle : le Kōbe Yamaguchi-gumi va-t-il répondre à cette main tendue ? Pour le moment, aucune déclaration officielle ne vient confirmer la fin effective des tensions. Mais la position des autorités est claire : la paix, oui — mais pas au prix de l'impunité.

Dans les prochains mois, je suivrai avec attention les suites de cette initiative. Car si les affrontements cessent, cela marquera sans doute la fin d’une époque. Et peut-être, le début d’une transformation profonde du crime organisé au Japon.

SOURCES

japantimes.co.jp, thetimes.co.uk

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Kamon du Yamaguchi Gumi © Wikipedia.org

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T
Très intéressant, à suivre
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